Extrait du journal

M. Guy de Maupassant vient de publier un eourt récit, Pierre et Jean, qu'il a fait précéder d'une assez longue préface. Cette préface a fait beaucoup de bruit et bien des gens l'ont lue : Car, je ne sais rien de moins bien fondé que le vers fameux de Musset sur les préfaces! Il n'est presque pas un écrivain qui n'ait cédé, un jour dans sa vie, à la tentation de mettre le public au courant de ses procédés de composition, de se critiquer soi-même, de dire ce qu'il pensait du genre auquel il s'était adonné. Ces confidences et ces critiques sont très précieuses et loin de considérer les préfaces comme une chose inutile et ennuyeuse, j'imagine qu'on ferait un volume de haut intérêt avec les préfaces des auteurs célèbres. Dans ce volume, nous aurions bien garde d'omettre la préface de Pierre et Jean, quoique l'auteur, rompant sagement avec les procédés et les recettes d'école, se contente à peu près de nous dire — ce dont je me doutais bien — que pour écrire un bon roman il faut des idées, de l'observation et du style. Pensée peu neuve, mais qui n'est pas la banalité qu'elle paraît d'abord être. Car, en la développant, M. de Maupassant fait une critique fort juste des hommes qui nient cet aphorisme, voulant contraindre les idées à ne pas sortir d'un certain cercle, l'observation à suivre certains procédés, le style à se plier à certaine manière....