Extrait du journal

On a pu lire, ces jours-ci, une dépêche de Saint-Pétersbourg, qui jette une lumière aussi vive que savoureuse sur la guerre intestine qui ravage la dynastie littéraire des Souvo' rine et sur les conditions incroyables où végète la presse russe. M. Souvorine fils, directeur et propriétaire du grand journal libéral Rouss a été arrêté et, sans qu'on lui ait fourni la moindre explication sur le sort qu'on lui fait, condamné, par simple décision du préfet de police de la capitale, à une année de prison. Doux pays 1 Le grand crime du jeune éditeur a été de n'avoir pas accepté en silence la suppression totale de son journal, décrétée un beau matin par un fonctionnaire malicieux qu'on aurait sans doute facilement remis en bonne humeur en lui fournissant, par les temps durs qui courent, quelque sérieuse augmentation de revenus. M. Souvorine fils, aussi malicieux que son bourreau littéraire, continua tout simplement à publier son journal en changeant de manchette ; il remplaça le titre Rouss par le mot Molva, ce qui signifie les « On-dit », et profita de l'occasion pour accentuer un peu le libéralisme de bon ton que sa feuille représentait. C'était narguer le gouvernement ; les grands chefs s'émurent, et voi'là le fils du tsar de la presse officieuse russe au cachot !...