Extrait du journal
E marquis de Canada-Hermosa était triste, car il doutait de sa propre existence. De temps à autre, il relisait le « Populaire » et les articles de M. Pierre Brossolette, mais il n’était pas encore bien convaincu. — Tout est là, disait-il à mi-voix. Estce que j'existe? Et comme il avait l'esprit philosophique, il posait la question sous sa forme générale: Est-ce qu'un homme qui écrit dans les journaux acquiert par cela même l'existence? Ce problème le poursuivait sans relâche. Il lui ôtait le sommeil, l'appétit, il lui ôtait même la forme corporelle. Il allait et venait dans les allées de son parc et dans les salons de son manoir, mais plus il allait, plus il perdait la confiance et la vie. Sa chair se dissolvait en ombre de chair; créature de sang et de muscles, il devenait peu à peu un objet de pensée, transparent et agile comme un fantôme, fantasque et irréel, comme un souffle d'air. Puis, comme il allait s'évanouir dans l'azur, il relisait le « Populaire » et il reprenait consistance. Alors la lumière ne le traversait plus comme une vitre. — J’existe, disait-il, j'existe. Et il commençait à exister. Pourtant il avait un château, un parc et des ancêtres, dont les portraits ornent sa galerie, comme dans la scène d' « Hernani ». Hauts et puissants seigneurs descen dus des siècles et soigneusement rangés dans leurs cadres, le baron de Cracq, le comte d'Escarbagnas, le prince de Babylone... Il les salua d'un regard, et leur demanda : — Et vous? Avez-vous existé? Avez-vous existé, princesse captive à qui l'oiseau bleu, coule* r de temps, portait chaque jour un baiser? Existiez-vous, prince charmant lors que vous réveillâtes la belle qui dormait? Existiez-vous, mère-grand, quand le- loup vous mangea? Et si vous n'existiez pas, de quoi le loup a-t-il déjeuné ce jour-là? D'une illu sion de grand'mère ou d'une illusion de galette? Existiez-vous, petit chaperon rouge?...
À propos
Anticommuniste, profasciste, antisémite et positivement favorable à Hitler, Je suis partout est le journal d’extrême-droite le plus violent jamais publié en France. Si violent que son directeur Arthème Fayard, fondateur des éditions Fayard, décide dès mai 1936 de cesser sa parution. À sa mort en novembre 1936, le journal est toutefois relancé par son fils et Pierre Gaxotte, futur membre de l’Académie Française.
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