Extrait du journal

nécessité de coordonner le rail et la route. Les décrets ont été rédigés. Quelques-uns même ont été signés : on n’a pas été plus loin. Coordonner le rail et la route, c’est combattre la concurrence illégitime, la concurrence qui est ruineuse pour les deux parties ou qui va au rebours de l’intérêt public. Il fallait donc supprimer les lignes de chemins de fer et les services d’autocars qui font double emploi : en d'autres termes, diriger le trafic au mieux de l’économie nationale en s’élevant au-dessus des égoïsmes locaux. Cette tâche dépassait de loin les possibilités de n'importe quel gou vernement parlementaire. 4" Ceci me ramène à une formule que j’avais écrite à propos de M. Laval. « Un gouvernement faible attelé à une tâche forte ». Incomplète et précipitée, l'œuvre accomplie par ce ministère aurait néan moins pu porter des fruits. Chacun sait qu’un mouvement de reprise existe par le monde, et il était raisonnable d’espérer qu'il se ferait d’autant mieux sentir chez nous que les décrets-lois remédiaient aux difficultés particulièrement obsédantes. Mais cette guérison demandait du temps. Puisqu’on se résignait à faire des mécon tents, la raison et la prudence voulaient que les élections fussent reculées. Ce n’est pas en octobre ou en novembre 1935 que cette question aurait dû être agitée, c’est à la constitution du ministère. Quand M. Laval s’est présenté en juin devant les Chambres pour requérir les pleins pou voirs, il devait, en même temps, exiger le renvoi des élections à 1937 ou 1938, en liant les deux mesures et en faisant de la seconde la condition de la première. 5" On peut demander beaucoup à un peuple, mais encore faut-il qu’il sache où on le conduit. C'est dans l’ascétisme que naissent les grandes passions. L’Italie se prive pour conquérir l’Abyssinie : elle pui se dans son ambition et dans son orgueil, la force d'âme qui fait trouver les épreu ves légères. La victoire la récompense. L’Allemagne hitlérienne s'est privée de quelques satisfactions culinaires. Elle les a échangées contre le sentiment d’être rede venue une nation forte et respectée. Per sonne, là-bas, ne se plaint d'avoir perdu au change. La France sombre dans le matérialisme. C’est parce que rien de supérieur ne s’offre à elle qu’elle tient si âprement à ses pe tites jouissances. Se restreindre ? Pour quoi ? Pour l'équilibre budgétaire ? La belle histoire ! Renoncer à l’auto et aux vacances pour se dire que le doit et Y avoir vont s’équilibrer sur le papier ? A d’autres! La récompense est trop mince ! C’est un idéal en calotte noire et manches de lus trine ! Ce n’est pas un idéal pour un grand peuple. N’importe quoi, disent certains, même les agitations souvent à contresens auxquelles nous assistons en ce moment, mais pas ça ! Un Etat doit mériter les sacrifices qu’il demande aux siens. La France a répondu à l'Etat démocratique et parlementaire qu'il n'en méritait aucun. Ce n'est peutêtre pas ainsi que MM. Blum et Thorez interprètent leur triomphe. C’est pourtant ce qu’il signifie. Pierre GAXOTTE....