Extrait du journal

martèle « "C / délivre de X I , ' Slovaquie ». \ 1 ' leur demande au délégué ' Wollner la dispersion des manifestants. Indociles, ceux-ci font appeler lord Runciman au balcon ; Wollner le prie de parler. Deux douzaines de mots sortent de sa bouche : « Mes bons amis allemands, vous avez un très beau pays, et je prie pour que Dieu lui conserve la paix. » L.e portrait moral de l’envoyé britannique se ré vèle complètement dans cet instantané : l'impassi bilité de l’humeur, la bonhomie du langage, la soli dité du fond religieux, la persévérance dans l'opti misme, l’espoir de se concilier l’intransigeance par la courtoisie. Conduire des hommes n’est pas l’affaire de lord Runciman, pourtant capitaine d’industrie, il pèse des faits, il vérifie des chiffres, il retourne des arguments, il examine le pour et le contre. Sa pen sée est nette comme une lame chromée, son verbe, d’une précision tranchante, épouse exactement les contours d’idées sans bavures. Son aspect physique répond à sa personne morale, mais en desservant ses côtés aimables. La maîtrise de soi, apprise dès l’enfance, une voix un peu sèche, 1'immcbilité même des traits, où meurent les jeux de la lumière, tout lui compose un masque de froideur. Pâle, maigre, le front largement dégarni, il porte encore, vestige de 1ère victorienne, le col cassé, dont les pointes ont quelque chose d’agressif. Rien ne saurait l’irriter, le décontenancer, le faire reculer d’un pas s’il a décidé d’avancer — attitude qui exaspère ses adversaires en provoquant chez eux des mouvements tout opposés. Ceux qui l’ont approché dans l’intimité pro clament le charme, la simplicité, la courtoisie, l’esprit, la gaîté naturels qui se dissimulent sous la réserve voulue. Il est l’homme qui a « toujours chéri la mer ». Fils d’un armateur multimillionnaire, qui vécut le roman rêvé de tous les enfants aventureux — la fuite sur un voilier, puis la possession d une flotte complète — Walter Runciman, à 20 ans, a parcouru tous les ports d’Europe. Mais avant de diriger les lignes de navigation paternelles, avant de de-...