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Je suis partout, 19 décembre 1936

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Je suis partout
19 décembre 1936


Extrait du journal

C'est M. Pierre Couturaud, je crois, qui parlait l'autre jour « des signes éclatants que personne ne voit ». Les signes ne man quant pas, en effet. Il ne manque même pas d'observateurs pour les signaler, d'historiens pour les éclairer par l'expérience, de politi ques pour en déceler les raisons et le méca nisme. Mais le pays est bien décidé à ne rien voir. L'aveuglement est le propre des démocraties. Depuis 1914, la majorité parle mentaire a été modifiée deux fois, en 1919 et en 1928. Pour un déplacement de cent voix, de la gauche au centre, il avait fallu la guerre et la faillite, quinze cent mille morts et la destruction de la monnaie, quinze dé partements envahis et le franc transformé en assignat. C'est à ce prix seulement que trois ou quatre cent mille électeurs avaient consenti à préférer un républicain de gauche à un radical. Quatre ans après, personne n'y pensait plus. L'immense force des doctrines révolution naires du type 1789, c'est qu'elles sont im perméables aux faits et insensibles aux con damnations de l'événement. Elles forment un enchaînement si exact, un mécanisme si bien monté, qu'elles se déroulent et qu'elles dé roulent leurs conséquences, sans que les ca tastrophes les plus manifestes réussissent à provoquer le moindre redressement. Il y a toujours une explication, toute prête : complot fasciste, méchanceté réactionnaire, Pitt et Cobourg, accaparement, trahison, trotzkysme..., que sais-je encore ? La forma tion démocratique, pour peu qu'elle soit consolidée par la pratique constante de la presse avancée et l'entraînement collectif des loges, des sections ou des cellules, abolit pleinement et pour toujours les facultés de raisonnement, d'observation et de critique. L'homme démocratique à l'état pur, c'est-àdire militant marxiste, représente une espèce nouvelle, qui n'a do commun avec l'homme pensant que l'aspect extérieur, la peau lisse et sans plumes, mais qui en diffère à jamais par le matière grise, l'enchaînement des idées, les réactions sentimentales, etc... Il vit dans un monde à lui qui ne communique pas avec le monde réel. Même si, dans la gestion de ses affaires privées, il manifeste les meilleures qualités de bon sens, d'ordre et d'observation, dès qu'il passe à la politi que il devient autre, et l'expérience qu'il a acquise dans un domaine est intransportable dans l'autre. C'est pourquoi les gens qui mettent leur espérance dans un redressement du suffrage universel sont si régulièrement déçus. C'est pourquoi aussi, l'enseignement primaire étant de plus en plus communiste, les élections normales ne peuvent être que de plus en plus avancées. C'est pourquoi aussi, au jugement des stratèges de l’hémi cycle, le renversement du cabinet Blum est impossible, tant que le pays ne sera pas éclairé. Mais quand sera-t-il éclairé ? En 1926, la chute du franc avait produit un effet fulgurant. Elle n'a produit, cette fois, qu'un très faible remous. Quelles abo minations faudrait-il pour que le citoyen commence à se douter qu'on lui fait prendre un mauvais chemin ?...

À propos

Anticommuniste, profasciste, antisémite et positivement favorable à Hitler, Je suis partout est le journal d’extrême-droite le plus violent jamais publié en France. Si violent que son directeur Arthème Fayard, fondateur des éditions Fayard, décide dès mai 1936 de cesser sa parution. À sa mort en novembre 1936, le journal est toutefois relancé par son fils et Pierre Gaxotte, futur membre de l’Académie Française.

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