Extrait du journal

Ce que nous avions prévu s'est pro duit. Faute d’avoir organisé à temps le retour des prisonniers, d’avoir prévu leur incorporation matérielle dans la nation, on découvre de graves lacunes que toute la bonne volonté des organismes officiels chargés de les recevoir ne parvient pas à combler. Il ne s’agit pas ici de critiquer, mais de constater. Une démobilisation ne s’organise pas plus qu'une mobilisation. Or, cette démobilisation, il fallait la pré voir dès les premières semaines de l’armistice et l’organiser dans tous ses détails. Des hommes y ont songé. On ne les a pas écoutés. Us ont le droit de sc plaindre aujourd’hui. ■ ■ Abstractions Le plus grave c'est qu'on s'obstine à méconnaître le fait prisonniers comme on méconnaît le fait misère, comme on méconnaît le fait ravitaillement. On part de notions abstraites : la France est ruinée, les restrictions sont une nécessité, le pays est trouble, pour justifier le défaut d'action. On ne croit ni à la vertu de l'action, ni aux vertus françaises. On ne connaît pas, ou on réalise mal l’atroce dénuement de milliers de familles françaises. On ne sait surtout pas comment le soulager. On emploie les mots nouveaux de < commu nauté française » sans réaliser les devoirs auxquels ils obligent. Et l’on dirait que certaines bouches n'ont fait que changer de vocabulaires. Le mot « communauté » a pris la place du mot < république ». Le vide est le même....