Extrait du journal

Comme toutes les grandes crises qui surexcitent les facultés intégrales de l’homme, la guerre atroce qu’ont échanéecontrelacivilisation européenne l’orgueil, la rapacité et la férocité germanique, aura un jour sa littérature, sa poésie et son art. Pour la littérature, c’est-à-dire l’histoire, il n’y aura qu’à raconter les grandeurs et les souffrances de 1’ < année sublime », selon la belle parole de M. Ribot; pour la poésie, qu’à chanter les vertus des champs de batailles, la résignation à la romaine des femmes anglaises, françaises, belges, russes, sans oublier la vaillante petite Serbie, et ce sera assez pour s'élever à une hauteur d’épopée où n’atteindrait pas l’imagination d’un Homère. quant à l’art qui éclora quelque jour dans l’air vivifiant de la justice, de la victoire et de la paix, quel sera-t-il ? Comme peinture, nous n’aurons sans doute que des tableaux épisodiques ; faites donc tenir dans un cadre, eût-il les dimensions de la « Smalah » d’Horace Vernet, une bataille dont le front s’étend sur des centaines de kilomètres ? Mais on peut prévoir que cet art du pinceau ou du ciseau, sera surtout réaliste ; on ne voit pas, en effet, nos artistes peinant sur des allégories plus ou moins diaphanes et abstraites, pour illustrer la guerre la plus scientifique qu’ait jamais vue l’humanité; des symboles humains, c’est-à-dire des types stylisés toujours vrais d’une vérité vivante oui ; des figures froidement imprécises malgré des accessoires plus ou moins significatifs, non....