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Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 4 février 1844

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Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement
4 février 1844


Extrait du journal

de cette étincelle électrique pour mettre en combustion la chambre entière. Appelé à la tribune par la brûlante provocation de M. Berryer, M. Guizot y monte à son tour. Ce n'est pas le ministre des affaires étrangères, l’organe du gouvernement du roi, c’est M. Guizot qui est mis en cause; ce n'est donc pas le ministre qui parlera, c’est l’homme, et M. Guizot commence à expliquer à la chambre quels motifs le conduisirent en 1815 à Gand.... Mais à peine ce mot de Gand est - il prononcé que la voix de l’orateur est couverte par un tumulte effroyable; les membres de la gauche et de l’extrême gauche se lèvent comme un seul homme. Essayer de décrire la scène qui a commencé alors, et ne s'est terminée qu'après deux heures de durée, serait impossible; pour en avoir une idée ap prochée, il faut en lire le récit palpitant dan&les journaux qui en ont donné le compte-rendu complet. Vingt fois, M. Guizot com mence la même phrase et vingt fois les sanglantes interruptions d'une partie de la chambre couvrent sa voix; les plus violentes in terpellations lui sont adressées parmi lesquelles percent les cris de transfuge et de traître. Tous les vents de la colère et des passions tumultueuses mugissent; si l'on ne peut enchaîner les paroles de l’o rateur par l'intimidation et l’audace, du moins on espère briser ses forces; mais non, dit M. Guizot, on peut épuiser mes forces , on n’épuisera pas mon courage. Et cette lutte d uo seul homme contre un côté entier de la chambre, lutte oùchaque mot était suivi d'une clameur d’interpellations injurieuses d'un côté, réfutées par un brûlant sarcasme, de l’autre, où le courage et la fermeté ont vaincu le nombre, où la dignité du langage a triomphé de la vio lence , lutte sans exemple, peut-être, dans nos fastes parlementaires, a duré ainsi deux heures, duré jusqu'à ce que, à force de téna cité, l'orateur ait triomphé des clameurs qui prétendaient étouffer sa voix et qu’il fût parvenu à formuler , et aussi complètement qu’il l'entendait, les explication» qu’il voulait donner à lachambre ! Nous n'avons pas à nous expliquer sur la moralité du voyage de Gand, qu’il nous suffise de dire que nous regrettons cette triste page dans la vie de M. Guizot; mass ce que nous dirons sans dé tour, c’est que la conduite de ses adversaires ou de ses ennemis a été déplorable dans cette circonstance, sans grandeur et sans gé nérosité. Quoi! ni les émineos services que M. Guizot a rendus à la liberté constitutionnelle de son pays , et qui devaient au moins faire oublier le voyage de Gand, ni l’homme éminent, ni le grand orateur, n’a pu trouver grâce devant cette partie de l’assemblée dont il a bien pu combattre la politique à outrance, mais dont il a toujours respecté les personnes! Encore si le ministre seul avait été en cause! Mais non , c'est contre l'homme seul qu’était dirigée cette brutale agression, c'est à un seul homme que plus de cent députés ont eu l’admirable générosité de faire cette violence mo rale qui a si profondément ému la chambre! Ah! nous l’espérons bien: cette triste scène aura produit au sein du pays une toute autre impression que celle qu'en attendaient les auteurs: nous ne disons pas que M. Guizot en sera plus raffermi, mais tout ce qu'il y a dans le pays d’hommes clairvoyaus , d'hommes amis de nos institutions, n’auront-ils pas dù se demander, ainsi qu’on l’a dit à bon droit et avec tant de raison, ce que deviendraient nos plus précieuses libertés entre les mains d hommes qui ne savent pas même respecter la première des libertés publiques, la liberté de la tribune! Encore sous l'impression de la scène scandaleuse du 28, la mojorité a cru devoir donner raison au ministère en votant le para graphe de l’adresse qui maintenait le mot flétrir , cause première...

À propos

Fondé en 1819, Le Journal de la ville de Saint Quentin publie les annonces judiciaires de son département sans le concours du gouvernement. L’initiative porte ses fruits puisque la publication du journal demeure assurée jusqu’en 1914.

 
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Données de classification
  • guizot
  • berryer
  • aversa
  • gand
  • france
  • londres
  • orléans
  • amiens