Extrait du journal
Saint-Quentin,4 juillet. Le Journal officiel a publié hier un dé cret que l'opinion publique attendait de puis assez longtemps déjà : il s'agit des récompenses accordées par le Gouverne ment à tous les braves qui, dans l'épou vantable catastrophe de la rue Béranger, ont rivalisé de courage, de sang-froid, de dévouement. Nous trouvons que ce témoi gnage si bien mérité d'admiration et de reconnaissance vient peut-être un peu tard; mais enfin, puisqu’il vient, nous ne chica nerons pas trop à ce sujet le ministère, qui avait sans doute à remplir des devoirs plus pressants et auquel le soin de contenir l'ardeur de certains républicains ne lais sait pas le temps de penser qu’un mois auparavant, cinquante hommes s’étaient bravement jetés au feu pour sauver leurs semblables. Certes, tous ceux que désigne le décret officiel ont, dans celte circonstance, fait leur devoir et plus que leur devoir ; la distinction dont ils sont honorés a été bien gagnée, et la critique que nous allons faire n’atteint personne individuellement, nous nous empressons de le déclarer. Mais nous ne pouvons laisser passer cette occasion de protester contre le système, selon nous, arbitraire, injuste, et — pourquoi ne pas le dire — anti-démocratique — de la hié rarchie dans la récompense. Que dans le fonctionnement ordinaire de la vie publique la hiérarchie soit établie, qu’elle soit maintenue et respectée, rien de mieux. Qu’il faille passer successive ment par une série de fonctions ou de grades inférieurs avant d’obtenir les hautes positions réservées à l’expérience acquise, aux services rendus, aux talents éprouvés, c’est de tout droit et nous ne voyons là que la juste application du vieux principe, « Pour apprendre à bien commander, ap prends d’abord à docilement obéir. • Mais, ici, dans une catastrophe comme celle de la rue Béranger par exemple, il ne s’agit plus de ce fonctionnement régu lier des institutions civiles ou militaires ; nous sommes en dehors de tout fait prévu et le danger, le même pour tous, fait ab solument égaux tous ceux qui le bravent. Même péril couru, même courage, même dévouement n’entrainent-ils ou du moins ne devraient-ils pas entraîner, nécessaire ment, même récompense? Que voyonsnous cependant? M. Albert Gigot, préfet de police, est fait officier de la Légion d’honneur, et tel obscur soldat que le ha sard seul amenait en ces parages et qui s’élance au second étage de la maison en flammes pour arracher deux victimes à une mort certaine, tel employé modeste qui, au mépris de sa vie, va attacher des femmes à des draps de lit et répète cinq fois cette audacieuse manœuvre, ceux-là et tant d’autres auront des médailles de 2e classe. Leur intervention personnelle a été cependant tout au moins aussi efficace que celle du préfet de police. Nous nous souvenons que, récemment, un fait inouï, merveilleux, s’est passé dans un département voisin. Un garde barrière de service la nuit fut, dans une manœuvre, frappé et violemment jeté sur la voie par un train qui passait. Revenu à lui, il re connut que son bras gauche avait été litté ralement arraché : la douleur était vive, la situation terrible. Que fit-il, cependant ? il savait qu’un second train allait venir et que, s’il n’était pas là pour l’aiguiller sur la bonne voie, quelque collision épouvantable se produirait inévitablement. Alors cet homme enveloppa de son mouchoir son épaule meurtrie et sanglante, et il resta là...
À propos
Fondé en 1819, Le Journal de la ville de Saint Quentin publie les annonces judiciaires de son département sans le concours du gouvernement. L’initiative porte ses fruits puisque la publication du journal demeure assurée jusqu’en 1914.
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