Extrait du journal

sentit qu’il n'avait plus qu'un effort à faire pour vaincre les pré ventions de la jeune fille. — Mademoiselle, reprit-il avec chaleur, si j’étais coupable, ose rais-je me présenter ici? ne devrais-je pas craindre que cette mai son ne s’écroulât sur ma tète? Et tout à l’heure, quand, dans l’obscuritc de la nuit, je me suis heurté par hasarda cette croix de lu gubre souvenir qui borde le chemin, ne vous semble-t-il que je serais tombé mort, foudroyé par la main de Dieu! Fanchette n’y tint plus. — Je vous crois, Monsieur , je veux vous croire! s’écria-t-elle; mère , souviens-toi de ce que mon père nous disait ce soir ; souviens-toi de la belle conduite de M. Hubert au sujet de son jeune frère infirme... et puis le monde se trompe si souvent !... Eh bien! parlez , Monsieur , poursuivit-elle : nous mettons notre confiance en vous; vous ne voudriez pas tromper deux pauvres femmes inof fensives ; hâtez-vous donc de nous apprendre quel malheur me nace mon père ! — Oh! merci, merci, Mademoiselle, reprit Hubert, transporté de reconnaissance ; mais si je pouvais vous dire les raisons,.. — Parlez-moi de mon père, interrompit Fanchette avec im patience. — Oui! oui! s’écria Suzanne; quel danger court donc mon pauvre Vinet ? — Hélas ! Madame, je ne puis vous dire précisément, quoique ce danger soit réel, à ce quon assure, inévitable. J’ai vu ce soir un jeune homme appartenant à la funeste association des bracon niers ; c’est un des moins coupables; il n’a pas l’énergie suffisante pour rompre avec eux, comme j’ai fait ; mais il regrette vivement d’avoir cédé par imprudence à leurs mauvais conseils. Ce soir il semblait bourrelé ; il m'a dit que M. Vinet connaissait leurs noms à tous, moins celui du chef. Cette couleur rouge dont ils se sont trouvés marqués , sans savoir comment, avait d’abord excité leurs soupçons, puis les questions du garde sur chacun d’eux ont confir mé ces craintes. Se voyant découverts, les braconniers ont résolu de se défaire de leur ennemi avant qu’il ait pu les dénoncer. Ils savent un endroit où Vinet doit passer cette nuit, et ils lui tendront un piège... — Mais de quelle nature est ce piège ? — Où sera-t-il placé? — Voilà ce que j’ignore. Le pauvre garçon dont je vous parle n avait pas reçu la confidence entière du complot ; on se défie de lui. Le chef ordonne, sans rendre compte aux autres de ses projets, et on n’ose pas lui résiter. Quelqu'un ayant exprimé sa désapprobation du crime projeté, l’on a répondu que pour cette fois personne n’avait à craindre d’ètre poursuivi, que la mort du...