Extrait du journal

Belle-Eau est une fraîche oasis qui aime à se parer aux yeux des visiteurs du riche écrin de sa toilette ; et sa toilette, la coquette ! ce sont ses bosquets verts, ses parterres diaprés de toutes les couleurs du prisme, ses eaux limpides tombant de ses réservoirs comme un diadème de perles humides, ou se livrant à leur course vagabonde à travers le gazon des prés. 11 n’est pas jusqu’aux vastes allées de peupliers noirs qui n’aient leur charme particulier, et qui réveilleraient dans l’âme de mélancoliques souvenirs, si M. Bravey, le propriétaire actuel, ne savait, par sa réception franche et cordiale, éloigner de ses hôtes toute idée étrangère aux plaisirs. Il y a peu de jours, c’était fête à Belles-Eau; il s’agissait d’organiser, à la manière des nobles lords de campagne, une battue aux renards, et on sait que le renard, par l’élasticité de ses jarrets et l’étendue de ses ressources, est un adversaire digne des plus ar dents Nemrods. Le prix matériel du combat est peu de chose : une peau triomphalement suspendue à la porte du chenil. Mais cette peau, vaillamment dispu tée, rappellera au chasseur toute une épopée de cour ses aventureuses, de trappes et d’embûches déjouées, et vengera la mort de bien des lièvres, des perdrix et des cailles traîtreusement assassinés. Dès le matin, les chasseurs préparaient leur entrée en campagne, et les échos de Belle-Eau, émus d’un bruit tout nouveau, répétaient les cris d’appel, le sifflet des meutes, et les accents sonores du cor de chasse. De copieuses libations versées sur l’autel de Diane, animaient le troupe impatiente, et faisaient circuler à la ronde les chaudes effluves de l’enthou siasme. Une telle aurore annonçait une chaude jour née; aussi, quand vint le soir, quand la curée et le...