Extrait du journal

Je me soulevai sur le coude; un glas tintait à mes oreilles. Ma vie, subitement, repassa devant moi. Je la trouvai petite, mesquine, inutile... L’image de Marguerite traversa une dernière fois mon cerveau alourdi, puis les fleurs et les feuilles prirent des proportions colossales; elles grossirent, grossirent à vue d’œil au point de me cacher l’espace. L’air s’épaississait, un froid subtil se glissait dans mes veines avec l’effroi instinctif de l'anéantissement suprême. La nuit se fit autour de moi, mes perplexités s’évanouirent avec mes pensé* s Je me suis ré veillé dans une isba proprette et claire. Dans li pièce voisine, une voix chaulait un cantique traînant et doux, et ce cantique me rap pelait les chants du pays basque. J’a\ais la mémoire vascillante, les membres endoloris. Près de mon lit, sur une table de bois blanc, à côté d’une fiole, je vis un bol plein de glace. Un lierre voilait à d- mi ma croisée, mettant dans la pièce, au moin Ire vent, un cliquetis de branches contre la vitre. A qui était cette maisonnette ? A qui apparte nait ce lierre ? Gomment se nommait la personne qui chantait? Je cherchais à résoudre ces difficiles questions, mais je ne me souvenais de rien... Avais-je donc cessé de vivre ? Etais-je, par hasard, dans les pays « d’au delà ». Un pas léger fit grincer le parquet de sapin; un visage de femme se pencha sur mon lit. Blonde, grande, avec des yeux rieurs, des dents saines, cette apparition inattendue me fit battre le cœur. , — Marguerite! murmurai-je entendant les bras C’était, je crois, le seul nom dont je me rap pelais. Ce fut, du moins, le premier qui me vint aux lèvres. . La jeune femme eut un bon sourire, et frappa gaiement ses mains l’une contre l’autre en prouonçant quelques mots dans un dialecte incom préhensible....