Extrait du journal

MEAUX. LA BOITE AUX LETTRES. Passant, il y a peu de jours devant la Poste aux Lettres, je fus frappé du mouvement qui régnait à cet endroit. Il était dix heures , la foule se pressait devant la boîte aux lettres , et chacun y jetait le papier dépositaire de scs craintes ou de ses espérances. C’est donc là, me disais-je, c’est dans cette boîte que va se réunir et se confondre l’ex pression de tous les sentiraens, de toutes les passions qui agitent l’humanité! Si le style est l’homme, c’est surtout le style épistolaire. Les lettres sont l’histoire du cœur humain ; c’est dans ces lettres que l’opulence consigne son ambition, la no blesse sa vanité, l’ignorance ses prétentions, la haine ses fu reurs, et l’amour ses jouissances ; c’est dans ces lettres que le poète se loue, que le fat s’encense, que le sot s’admire # que le faible s’humilie, et que le puissant du jour s’enorgueillit. Cependant j’observais les physionomies ; mais elles passaient si rapidement devant moi, que je ne pus saisir que quelques traits de caractère. Je remarquai d’abord un homme d’environ quarante ans, il était entièrement vêtu de noir; son chapeau était couvert d’un crêpe, mais sa figure formait un singulier contraste avec ses vêtemens ; il avait cet air riant que donne le bonheur ; sa démarche était vive et légère; il tira de sa poche une lettre qu’il lança dans la boîte : ou je me trompe, ou cet homme était un héritier ou bien un de ces maris dont la philosophie n’est jamais en défaut. Mes yeux se fixèrent alors sur une jeune personne qui passait du côté de la rue opposé à la Poste. Je ne pus voir sa...