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Journal de Seine-et-Marne, 4 avril 1894

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Journal de Seine-et-Marne
4 avril 1894


Extrait du journal

dorée qui résonne doucement au milieu du silence du camp endormi : — J’étouffe, ami André, j étouffe !... Le soldat se précipite vers son cama rade. Il arrache la couverture, entr’ouvre l’uniforme, fait brutalement bailler la chemise... Puis il recule en poussant un cri de stupeur. Par la brutale ouverture de cette toile grossière, viennent de saillir deux seins fermes et ronds, dont les pointes rosées se dressent inquiétés comme deux becs de colombes amoureuses, comme deux frais boutons de rose délicatement posés dans la corolle d’un lys ! Le sergent est debout maintenant, muet, immobile. Il vient de comprendre quel sentiment étrange, inexplicable pour lui jusqu’à ce moment, le poussait vers cet enfant. Pourquoi il était heureux de le sentir près de lui, et pourquoi une indicible tristesse s’emparait de lui quand le petit sergent n’était pas là... Oui, il comprend maintenant, et il est heureux : l’enfant est une femme et André va l’aimer à son aise. Le blessé vient de remuer. Lentement, lentement, comme une douce pervenche qui se relève après le passage du vent, le petit sergent redresse sa tête blonde et pâle. Ses grands yeux bleus, tendres et pénétrants brillent de l’éclat inquiétant des fièvres. Est-ce un nouveau cauchemar, un nouveau délire? André se précipite déjà vers la jeune fille pour l’apaiser par quelques douces paroles, mais celle-ci le regarde vague ment, les yeux comme plongés dans d’in sondables et idéales profondeurs. Ses lèvres rouges décolorées un peu par la fatigue et l’insomnie, s’entrouvrent et laissent tomber ces mots qui parais sent à André un souffle léger chantant à travers l’espace éthéré où l’Amour vous transporte, un zéphir frissonnant au mi lieu des nuages bleus, des paysages cythéréens : — Je t’aime... Je t’aime !... * * * Paris a pris son air de fête. Le peuple ne gronde plus dans les fau bourgs. La terrible Convention ne siège pas aujourd’hui. La place de la Révolution est couverte de drapeaux et de fleurs ; un sable doux et fin cache les croûtes sanguinolentes du sol. Une foule immense, parée, souriante, oublieuse, se presse au Champ-de-Mars, au milieu duquel brûle une statue de l’Athéisme, tandis que des jeunes filles, toutes de blanc vêtues, chantent les stro phes de Chénier, qui semblent s’envoler vers le ciel azuré dans un gazouillis d’oi seaux :...

À propos

Fondé en 1833 sous le nom Journal du commerce de l’arrondissement de Meaux, cet hebdomadaire républicain et conservateur devient le Journal de Meaux après seize numéros. Il prend finalement le nom de Journal de Seine-et-Marne en 1838 avant de disparaître cent ans plus tard, en 1939.

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Données de classification
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