Extrait du journal

contrez trois palais, qui sont de véritables demeures royales. A ces beaux édifices rien ne manque de ce qui fait l'élégance et la grandeur, ni l'escalier somp tueux, ni les riches galeries, ni l'or aux lambris, ni les peintures aux plafonds, ni les jardins, ni les bosquets. Par quel miracle, au pied dé ces mon tagnes abruptes de pareils édifices se sont-ils éle vés? Rien dé plus simple : ceci est le palais du jeu, car le jeu seul est assez riche pour s'élever à lui même ces splendides murailles ! Vieillard quinteux, difficile, grand ami des élégances coûteuses, très ha bile à semer un écu pour recueillir un louis d'or, le jeu a prodigué sur le penchant de ces roches les plus folles dépenses. On lui doit cés routes magnifiques, ces montagne» chargées de monumensy ces vastes hô tels, ces claires fontaines. Il a comblé la vallée; il a abaissé la montagne ; il a planté ces longues prome nades ; il a appelé la vie, le mouvement, la passion, les plus belles dames et les plus grands seigneurs de ce monde dans ces sauvages solitudes. Rien qu'à voir tant de travaux, entrepris et exécutés par la fée noire et la fée rouge, ces deux fées de ces domaines séparés dû monde connu, on reste confondu à l'idée seule de l'argent qui s'est dépensé, non pas seulement à rendre ces lieux habitables, mais à les faire charmans. Il faut que toute l'Europe ait apporté son argent et ses loisirs dans ces quelques arpens d'une terre inculte. Sous Louis XV surtout, quand chacun comprenait confusément que la fin du monde était proche, et quelques jours avant 1789, quand, semblable au chien qui porte le dîner de son maître, tout homme possé dant quelque chose voulait dévorer au moins un lam beau de sa fortune menacée, le jeu prit soudain des dimensions immenses. Chacun apportait sur ces tapis du dernier jugement son or, son argent, son nom, et quelquefois son honneur. On jouait avec folle, on gagnait avec rage, on se ruinait avec joie. C'était au tant de pris sur l'ennemi; c'était autant d'enlevé à.la...