Extrait du journal
'Le journal à deux sous Depuis ce matin, le journal à un sou en coûte deux. Ce petit lait, qui n'a l'air de rien, sinon d'un paradoxe propre à décon cè'rtéf L'esprit mathématique, est tout sim plement l'événement, le plus, considérable de l'histoire de la presse depuis i 835. Jus qu'à cette date, les journaux, d'un prix élevé et tirés à petit nombre, ne comptaient guère pour vivre que sur leurs abonnés; la vente au numéro était presque inconnue. Ils restaient donc un objet de luxe, réservé aux classes riches ou aux professions -libé rales pour qui il était comme un brevet de fortuné, un certificat de bourgeoisie, une sorte de pignon de rue. Cette clientèle instruite permettait à la presse les longs articles de fond,des grandes dissertations de théorie et de. doctrine dont une seule remplissait parfois les quatre pages, à l'ex clusion de tous les échos et de tous les faits-divers; mais par là même son action était assez restreinte. C'est seulement en i 835, lorsque Dutaeq et GirardiiTcréèrent en même temps, avec le 'Siècle et l'a Prisse, le journal à un sou, qu'elle commença d'atteindre le public po pulaire,' d'abord celui des villes, ensuite et plus lentement le peuple des campagnes. Il n'eit plus aujourd'hui de'hameau si reculé qui ne reçoive les nouvelles des deux mondes, plus de paysan si humble qui ne puisse, dès la première heure, comme l'ou vrier de Paris, discuter les débats de la Chambre et connaître les communiqués de tous les fronts, jusqu'à celui de Méso potamie. Elever tout à coup de cent pour cent le coût de cette lecture, devenue indispen sable, n'était pas une petïle affaire. Les journaux ne s'y sont point résignés sans peine, sachant que, pour beaucoup d'entre eux, ce serait une diminution sensible de profits; ils ont accepté ce sacrifice par esprit de solidarité pour permettre aux moins favorisés de continuer de paraître, -mais.surtout par déférence pour les néces sités de la vie nationale, pour les écono mies de toute sorte qui doivent résulter de tirages plus restreints. Un changement d'habitudes ne s'opère 1 jamais sans quelques tâtonnements. Bien qu'annoncé d'avance, il a surpris ce matin le public et les vendeuses. Beaucoup de lecteurs ont offert, comme la veille, leur pièce de cinq centimes et ont senti- une petite déconvenue quand on leur a de mandé un décime pour une denrée que, depuis leur naissance, ils ne payaient qu'un .sou. D'autres, avec leur.'meilleure foi du monde, ont volé la marchande. Accoutu més à se servir eux-mêmes, ils ont cueilli sur l'éventaire leur journal quotidien, dé posé dans la sébile une pièce de deux sous et repris la monnaie ; c'est seulement dans le tramway ou le métro, et parvenus au terme de leur course, qu'ils ont eu con science de leur larcin.' D'autres, par leur honnêteté même, ont été pour la vendeuse une occasion de tris tesse. Un client demande la Croix et dé pose dix centimes ; la commerçante lui offre la monnaie que l'acheteur refuse d'une main loyale : " Mais non; vous savez bien que maintenant c'est dix centimes. » .Lx Croix, en effet, est un journal du. soir qui a paru hier, mais qui, antidaté, porte la date d'aujourd'hui. « Mon Dieu ! s'écrie la marchande désolée, et moi qui, depuis hier, lex ai vendues un sou ! a...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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