Extrait du journal

scène en désordre, comme on irait sur la place d'Armes. Dans tous ces comédiens entassés là sans choix et au hasard c'est à qui attirera à soi tout seul l'attention d'un spectateur inattentif et dédaigneux. Plus on avance dans cette œuvre de bruits et de ténèbres, et plus.le tumulte s'en va crois sant. Celui-ci chante, pendant que celui-là déclame. Cette autre, qui se prépare à entonner son grand morceau sur le quel elle a compté, se voit couper le sifflet par Martine qui veut déclamer sa tirade-; ces deuxAà, qui doivent chanter nn duo pour la première .fois, -vous ehantént ce duo comme deux taureadx en colère; ce n'est pas un mor ceau de musique,, c'est une .lutte; il ne s'agit pas de savoir si l'œuvre sera bien exécutée, mais de savoir quelle est la plus belle de ces deux voix qui n'ont rien de commun entre elles. En même temps l'orchestre, dérangé de ses habitudes, ne sait plus auquel entendre; le machiniste, en vahi par lies décorations inconnues ; se perd dans ce dé dale de palais sans nom, de chaumières sans propriétaires de rues sans étiquettes ! Dans les; coulisses, c'est un tumulte àne pas s'entendre,-Ta comédie agite ses grelots lé ballet bat du tambourin ; les vieux- comédiens sont inquiétés du contact des danseuses; les danseuses stupéfaites se de mandent entre elles, si ce n'est pas là la fin du monde et que viennent donc faire ces bonnes gens dans le corps sé millant et militant du ballet? La confusion est générale, le désordre est à son comble, c'est un va-et-vient impitoya t ble à travers toutes sortes de ronces et d'épines où chacun laisse un peu de ce qu'il,a, celui-ci sa gaîté, celui-là son esprit, cet autre sa belle voix, celle-ci sa grâce légère; et demandez-moi pourquoi vous ne vous êtes pas amusés? C'est qu'en effet, rien n'était à sa place ce jour-là. Par exemple, que peut faire M. Jourdain dans ces vastes salons de l'Opéra, où le pauvre homme est si mal à l'aise ? Que vouiez-vous qu'il devienne dans cette maison étrangère, qui est véritablement la maison d'un grand seigneur? Songez donc que le pauvre diable n'est un gentilhomme que depuis vingt-quatre heures, et qu'en si peu de temps il n'a pas pu s'habituer à toute cette magnificence. Pour que M. Jour dain soit à l'aise , il faut absolument qu'il ne soit pas trop loin de sa boutique ; il. faut que sa femme et sa servante le puissent entendre quand il appelle; ne l'abandonnez pas , de grâce, entre les mains de ses deux laquais de louage ! Ne le livrez pas ainsi, pieds et poings liés, à son ami le marquis escroc et à la galante comtesse. Si vous ôtez à cet...