Extrait du journal

Quelqu'un disait : « On croit la neige éternelle, alors qu'elle, n'existe que depuis dix ans. » Raccourci succinct qui n'est pas éloigné de toute vérité. La neige, en effet, n'a pas toujours joui de la considération dont elle est maintenant entourée. Avant d'être plaisir, elle fut longtemps menace ou ennui. ■ ■ - .. Que représentait la neige autrefois? Pour les adultes, un souvenir de Noël, généralement rappelé par une carte pos tale ; pour les enfants, par les bons hommes de neige dans la bouche desquels on mettait une pipe, ou toût simplement un morceau de bois, et que l'on criblait de boules qui gelaient les mains des com battants. • . Pour les imaginatifs, la neige évoquait les ours sur les hauts plateaux et la mort d'un innocent agneau, puis les loups pour suivant, en Russie, un traineaù. On aimait aussi à se rappeler le voyageur perdu dans la montagne, et découvert sous un tas de, neige par un imnioftel chien dit de SaintBernard. -Bref, la neige était un danger, Un péril, quelque chose de joli, mais avant tout dramatique. On en parlait avec goût mais sans sympathie. Elle faisait trop son ger aux galoches, aux snow-boots, et au mal de tête, qui, chaque fois, chez les gens nerveux, précédait toute chute de flocons. Tout en prétendant l'aimer, on la craignait. Quand la neige atteignait vingt-cinq cen timètres d'épaisseur, la campagne était déserte, et personne, de peur de se perdre, ne s'éloignait de sa maison. Quand quel qu'un, à ce moment inquiétant, parlait de hautes montagnes, de neiges éternelles, on lui faisait vite comprendre qu'il manquait de tact. A ces époques peu lointaines, la neige n'était tolérable qu'en été, et encore vue de loin ; ejle faisait son apparition dans la vie habituelle en même temps que...