Extrait du journal

La Chambre a voté la prolongation de l'obligation scolaire jusqu'à quatorze ans, mais il est entendu que ce n'est qu'une étape et que, même dès maintenant, on recevra les enfants de plus de quatorze ans qui se pré senteront. En faveur de cette prolongation de la scolarité on invoque deux arguments : réduire le chômage en retenant à l'école des adolescents dont on n'a pas besoin ailleurs, et perfectionner « l'équipement intellectuel » de la jeunesse. Mieux vaut, évidemment, que des enfants de treize ans aillent à l'école qué de courir les filés. Il est trop évident que beaucoup d'entre eux ne savent pas grand'chose et qu'ils perdent le peu qu'ils sont censés avoir appris dans le désœuvrement qui, pour beau coup d'entre eux, va de l'école au régiment. N'oublions pas, cependant, que beaucoup de petits métiers, et parmi eux un très grand qui est l'agriculture, ont besoin, ou, en tout cas, se trouvent bien d'une initiation pré coce, progressive et lente, qui ne saurait sans inconvénient, surtout sans perte de beaucoup de vocations, être reculée jusqu'à quinze ou seize ans, comme le réclament déjà les com munistes. Il faut admettre et prévoir que la loi s'accommodera de tempéraments en un grand nombre de cas, au moins pendant la saison des travaux champêtres. Et il con vient de réclamer, ce que M. Marin a fait avec beaucoup de force et de raison, une orientation appropriée dans les écoles rura les. Si le personnel ne peut être différent, l'esprit au moins doit l'être devrait l'être si la préoccupation de l'intérêt général ins pirait cette nouvelle législation. Mais est-ce bien là le but visé? L'équipe ment intellectuel de la jeunesse dont on nous parle est-il et restera-t-il un équipement in tellectuel et moral de nature à accroître la valeur de l'homme et du citoyen, par suite la prospérité et la sécurité du pays? L'école doit être neutre ; l'année ou les années de prolongation scolaire auront-elles ce carac tère? Pas de politique à l'école, a dit le mi nistre. C'est parfait; mais on serait plus ras suré si le ministre n'avait ajouté bien vite que le corps enseignant lui donne sur ce point toute confiance et que la neutralité est présentement respectée. L'optimisme de M. Zay est inquiétant. Il se contente de peu. On a trop souvent l'occasion de constater que la neutralité scolaire est une neutralité hostile aux idées qualifiées de rétrogrades parce qu'elles sont en retard sur celles qui préva lent dans la plupart des revues et des con grès primaires. I! ne faut pas jouer sur les mots. Notre enseignement primaire n'est l'objet d'aucune admiration au dehors. La culture moyenne de nos masses populaires est inférieure à celle dont se font gloire la plupart des pays européens civilisés. S'il s'agit de rattraper ce retard, le sacrifice demandé au budget a une raison d'être. 11 n'en est pas de même s'il s'agit de subventionner un surcroît de propa gande communiste et révolutionnaire dans un malheureux pays dont l'avenir est gros de dangers et qui a besoin de tout son bon sens pour y résister. L'éducation de la jeunesse doit être la première préoccupation du jour. Mais l'éducation n'est pas le dressage; pour être bonne et utile, dans un peuple comme le nôtre, il faut qu'elle soit à base de liberté, de compréhension mutuelle, d'union morale et civique. Dans l'état présent des choses, il n'est pas possible de dire que la prolongation de la scolarité travaillera le plus souvent dans ce sens. A. ALBERT-PETIT....