Extrait du journal

Le poids de l'inutilité est lourd à porter. Cette indifférence, disons mieux , cette apathie, on la retrouve dans les salons comme dans la rue. Voyez la ville éternelle un jour de fête : la foule va et vient de tous côtés, l'ouvrier coudoie le capucin son ami et son conseiller, le soldat cause avec la Transtéverine , le paysan vêtu de velours râpé marche nonchalamment à côté d'un monsignor ; la rue est pleine, la guenille est voisine de l'habit noir. Vient à paraître une voiture qui fend la presse, chacun s'ccarte sans hâte, mais sans murmure ; on ne crie pas ; bien plus, on n'envie pas. La voiture est privilégiait!. Cela dit tout. Et personne ne sait jusqu'où s'étend le chapitre des pri vilèges ! Cette soumission peut être dans ce cas le résultat d'une habitude, d'un ordre de choses établi, reconnu, accepté et contre lequel personne ne voudrait se donner la peine de protester ; mais dans cette même foule jamais un cri, jamais un choc, jamais un rire, point de tumulte, aucune confu sion. Où l'on est on reste : pour trouver une meilleure place il faudrait un effort; cet effort, on ne le fait pas. Che volete ? Que voulez-vous? est un mot essentiellement romain. Il répond tout à fait, dans sa résignatioa concise, à l'a quoi bon ! français. L'artisan pourrait, en travaillant, gagner quelques baïoques dé plus. A quoi bon ? Le paysan pourrait faire produire à la terre des gerbes plus nombreuses en s'y appliquant avec plus de science et d'ardeur. A quoi bon ? 11 fait si chaud, et pourquoi se donner tant de mal pour changer des haillons , qui ne gênent pas, contre un habit dont on n'a que faire ! Dans le monde, c'est autre chose : on ra conte que la grande société romaine, quand elle ouvre ses palais en hiver, donne de grands bals où l'aristocratie nationale se retrouve mêlée à l'aristocratie de l'Europe. C'est le temps où le luxe héréditaire des...