Extrait du journal

Le président de la Ligue contre l'impôt sur le revenu, M. Paul Fournier, rajeunit la fable de l'astrologue, et l'adaptation qu'il en fait ne manque pas d'à-propos. Tandis que nous regar dons au ciel, émerveillés par 1 aviation et les aviateurs, nous risquons, tout comme 1 autre, une mésaventure. A voir s envoler les aéro planes, nous courons le danger de choir, sans nous en douter, dans le puits creusé par M. Caillaux. M.Paul Fournier jette un cri d'alarme. Il craint que l'opinion né s endorme dans une sécurité dangereuse, et voilà pourquoi ilessaye de nous secouer. Beaucoup, observe-t-il, se sont imaginé que la chute du précédent Cabinet présageait 1 aban don du projet Caillaux. Qu'ils relisent le dis cours du sous—secrétaire d Etat des finances à Héricourt. La déclaration s'y formule assez nette du sentiment qui est celui du gouverne ment actuel : fidélité à la grande pensée de réforme fiscale, « oeuvre nécessaire d'équité ». Sans doute, cette réforme, telle que, après dix huit mpis de labeur, elle fut votée par la Cham bre, semble « perfectible dans quelques-unes de ses dispositions accessoires ». Mais il faut la tenir pour « inattaquable dans sa conception d'ensemble, indiscutable dans ses principes essentiels ». C'est clair, sans ambages, et M. Paul Fournier estime les contribuables dûment avi sés. Pour le cas, cependant, où ils n'auraient pas entendu, il leur redit l'avertissement, les invite à ne point mollir dans la défense pour laquelle ils se sont groupés et leur jette un vrai « garde à vous ! » Ce n'est pas nous qui contesterons l'utilité de cet appel et essayerons d'assourdir ce coup de clairon. La Ligue contre l'impôt sur le revenu et l'inquisition fiscale n'a que trop raison de nous redire ce dont nous menacent les « prin cipes essentiels » déclarés intangibles par M. Renoult. Le premier de ces principes, c'est la personnalité de l'impôt. On avait pu le croire à jamais effacé de nos lois, son abolition ayant compté pour une « conquête » de la Révolution, il n'en est rien. Cette chose d'ancien régime peut ressusciter, si nous ne l'en empêchons. Déjà un vote du Palais-Bourbon l'a revivifiée à- moitié. Si le Sénat donne sa consécration à l'œuvre de 1& chambre, chacun des contribuables français aura, comme J'êcrlf sonnelle » ; et l'on verra fleurir un beau système de vexations. Il est des mots qui rendent un! mauvais son. Quand il parle de « fiche », le pré sident de la Ligue évoque un passé trop récent pour être oublié. Ce que nous promet le régime auquel M. Caillaux désire attacher son nom ne manque pas,—- la politique aidant et les petites inimitiés locales,—d'une analogie assez étroite avec ce que l'on a vu se pratiquer sous M?! Combes. Sans nommer M. Combes, ni même, apparemment, songer à. lui, puisqu il ne s'occupe que de politique intérieure amé ricaine, un journal do New-York qui mène campagne contre l'income-tax, donne aux citoyens de l'Union des avertissements qui semblent tout faits pour nous. Le New-YorhHerâld, rappelle ce qui advint au temps de la guerre civile, alors que l'on institua, comme une indispensable mesure de salut, un impôt fédé ral sur le revenu. Il importe, dit-il, que les jeunes générations sachent ce que fut son ap plication. « Tout le poids de la taxe tomba sur les contribuables honnêtes et scrupuleux, alors que les autres, dénués d'honnêteté et de con science, se dérobèrent. Ce fut une prime au parjure. » Voilà bien un des périls suspendus sur notre tête ; mais non peut-être le pire : le pire, c'est celui de la délation en permanence, du combisme fiscal : « Aujourd'hui comme...