Extrait du journal

Mon cher directeur, Votre collaborateur, M. Robert Dela grange, a bien raison de dire, dans son récent article, que le nouveau timbre co lonial est « une parfaite horreur ». Après le timbre de Jeanne d'Are (quand on pense que c'est tout ce qu'a pu inspirer la plus belle figure de notre Histoire !) hélas ! après le timbre colonial, hola ! Cette tête hébétée de négresse à la lèvre traînante est offerte à tous Français et étrangers comme l'emblème et symbole de l'Exposition: à qui cette vue peut-elle don ner l'envie de la venir voir et quelle idée va-t-elle donner par tous pays du goût français ? Si, écartant tous compatriotes à nous, explorateurs et coloniaux, on voulait met tre une figure indigène, n'aurait-on pu choisir quelqu'un de ces chefs arabes, si fiers, de si belle prestance, ces chevale resques, fidèles à la France en paix et en guerre? ) D'aucun pays on ne reçoit présentement de lettres dont les timbres soient compa rables, pour la laideur, à celui qui vient de nous être infligé. Les timbres italiens, pour le deuxième millénaire de Virgile, sont admirables. Un timbre tchécoslova que représente, en son minuscule format, un paysage si ravissant, avec forêts, ro chers et montagne, que, rien qu'à le re garder, on a envie de partir pour l'aller voir. Notre négresse ne donnera pas envie de venir voir. Le timbre américain de deux cents, en usage depuis quelque trente ans, est plein de noblesse. Le Postmaster General d'alors me dit qu'on avait fait exprès de le dessiner « dans le goût fran çais » sûrement pas le goût français d'aujourd'hui. Mais surtout, quelle idée singulière que de supprimer chez nous la Semeuse au moment où nous célébrons ce que la Grande Semeuse a semé de plus beau : cet empire colonial supérieur à celui même qu'avait constitué l'ancien régime ? Moissonneuse et semeuse, la France, au, cours de son Histoire millénaire, a sur-j tout été une semeuse : semeuse d'idées,, de -découvertes scientifiques, de chants et; d'écrits littéraires, de systèmes coloniaux favorables à l'indigène autant qu'à elle même. Votre collaborateur a bien raison : qu'on nous la laisse. C'est le vrai emblème de la France, bien plus que le coq, vail lant surtout contre ses semblables, que...