Extrait du journal

Commencerait-on à s'apercevoir dans les régions officielles qu'il est dangereux de mettre la loi contre soi et de s'exposer à de sérieux échecs devant la justice ? Un journal ministériel constatait liier avec une sincère tristesse que les procès qui se poursuivent sur presque tous les points du territoire nuisaient beau coup à l'autorité du gouvernement dans les provinces. « Les populations, di » sait-il, conçoivent comme une admira » tion pour les citoyens qui ne craignent » pas de traduire les fonctionnaires de » l'ordre le plus élevé devant la justice. » Aujourd'hui le Soleil va plus loin encore que son confrère. Il avoue sans détours que les populations départementales sont irritées et blessées profondément par les procédés vexatoires d'une administration qui semble avoir pris pour règle de con duite de pousser le pays à bout, à force de taquineries aussi mesquines qu'odieu ses. « Beaucoup de procès, dit-il, se ter » minent par des acquitteqiens, lorsqu'il » s'agit de librqires et 4$ cplporteurs » poursuivis sur l'initiative du gouverne » ment— On relève également dans les » feuilles départementales de nombreuses » révocations de maires.... Nous sommes » forcés de reconnaître que cet ensemble » d'actions judiciaires et de mesures ad » ministratives a l'inconvénient d'étonner » le pays, d'émouvoir l'opinion, d'agiter » le? populations, sans utilité réelle pour » le succès des candidats conservateurs. » Il est difficile d'admettre que tant de » procès, de poursuites, de destitutions » aient pour résultat d'intimider les élec » teurs radicaux, de rallier aux candidats » du gouvernement les électeurs hési » tans et de stimuler les électeurs indiffé » rens. » Cette citation est longue, mais il eût été dommage de l'écourter. Il est curieux de voir les amis du ministère ouvrir en fin les yeux à la lumière. Les personnes qui' vivent continuellement à Paris ont peine à se rendre compte de l'impression de malaise, de dégoût et de sourde colère que l'œuvre entreprise en province par les préfets et les sous-préfets de M. de Fourtou produit sur les esprits les plus modérés, sur les hommes les plus ma nifestement conservateurs. Cette guerre violente déclarée à tous les élus du suf frage universel, ces destitutions brutales qui frappent jusqu'à des membres du centre droit et qui atteignent souvent les magistrats les plus dignes de respect, celte violation évidente de l'esprit sinon de la lettre des lois, ces changemens multipliés dans les justices de paix, ces poursuites incessantes dirigées con tre de modestes colporteurs auxquels on enlève sans pitié leur gagne-pain, ces appels réitérés faits à la haine et au mépris des citoyens les uns envers les autres , enfin et surtout ces procès continuels où l'administration subit à coup sûr plus d'échecs qu'elle ne recueille de lauriers, .tous ces incidens,...