Extrait du journal

L'hiver est la saison de la lecture. Quand l'inimitié du. dehors nous chasse chez nous et nous réduit à la royauté d'une chambre, alors ouvrir un livre devient vraiment une ressource magique. Les voyages eux mêmes ne valent peut-être pas ces départs secrets, ces calmes appareillages de la lecture. Ce soir, ce qui m'a surpris d'une émotion imprévue, c'est un texte si célèbre qu'à peine osè-je le nommer. Ayant ouvert un La Fontaine, je suis tombé sur la fable des Deux Pigeons, et je l'ai lue tout entière comme si je ne la connaissais pas. L'âme encore enchantée,, j'essaye de cher cher d'où ce léger, ce transparent chef d'oeuvre tire un charme si rare. On. dira que c'est d'abord de sa simplicité. Mais, bien loin de rien expliquer, ce mot recouvre le plus grand mystère des arts. Les auteurs sans talent estiment que la simplicité, c'est la platitude, et ils sont fort intéressés à le faire croire. Tout au contraire, c'est bien plutôt une opulence voilée, une magnificence mystérieuse, une profondeur que la limpidité nous dérobe. Ce qui me touche le plus dans les Deux Pigeons, c'est la merveilleuse richesse des nuances qui y sont assorties, c'est la liberté d'un poème où, sans cahot, sans secousse, nous passons du badinage à l'émotion, de l'enjouement à la rêverie, pour finir par une mélancolie ravissante, où le poète a la grâce de parler de lui même sans se donner beaucoup d'impor tance. Le poème nous promène comme une...