Extrait du journal

Il faut que le parti radical-socialiste se sente bien désorienté pour que M. Léon Bourgeois, son grand homme d'Etat consultant, ait senti le besoin de lui faire entendre quelques paroles réconfortantes. M. Léon Bourgeois ne se pro digue pas. Il ne « donne » que dans les circon stances graves. Sa mission est de jeter sur la nudité peu séduisante du programme radical socialiste les sept voiles' de Salomé. C'est dans la Dépêche de Toulouse qu'il a opéré cette fois. Son article ne verse pas sur la situation des torrents de lumière, mais c'est un document psychologique de -premier ordre. 11 montre à vif l'état d'âme d'un parti qui sent le terrain se dérober, qui constate que ses beaux jours sont passés,-qui n'arrive nia discerner les causes d"e l'impopularité où il s'enfonce, ni à « s'adap ter » â aucune idée nouvelle réclamée par l'opi nion. M. Léon Bourgeois n'a dit qu'une chose juste et intéressante dans son article. Il a constaté que le parti dont il est le chef honoraire n'a ja mais su faire son choix «entre les deuxtendan- | ces qui depuis longtemps agitent ses Congrès .et troublent son action ». Rien do plus juste. Ce partisse recrute parmi les ânes de Burldan. « On perd toujours trop de temps chez nous, dit 1 M. Bourgeois, à se demander avec qui on \a s'entendre ou s'allier. * Naguère c'est du côté socialiste que penchait la balance où se pèsent les destinées du radicalisme.Maisles « unifiés» ont pris l'initiative de la rupture, ils l'ont signi fiée crûment et à maintes reprises comme on met àla porte un associé compromettant. M. Bourgeois en conclut que « les unifiés achèvent de se suicider ». Nous voudrions bien sur ce point partager sa manière de voir, mais nous avons le regret de ne pouvoir le faire. Le parti « unifié » n'est que trop vivant, et il a même sur le parti radical-socialiste un avantage mani feste, c'est qu'il gagne des sièges au lieu d'en perdre. M. Léon Bourgeois visiblement ne comprend rien à ce qui se passe. Il en est arrivé à con fondre le régime parlementaire avec le scrutin d'arrondissement. Il admire les résultats don nés par le mode de scrutin qui règne depuis trente-cinq ans, sauf une interruption, et il écrit sans ironie apparente « qu'en faisant campagne contre les membres delà dernière Chambre, c'est l'institution parlementaire elle-même, et le suf frage universel qu'on dénigre, qu'on déconsl-* (lère et qu'on flnirait par ruiner». Qui l'eût cru? M. Bourgeois est singulièrement sévère pour le régime parlementaire et pour le suffrage uni versel si la « domination abjecte », les tripo tages scandaleux, les fraudes éhontées qui ont caractérisé le scrutin d'arrondissement lui apparaissent comme indispensables au main tien do la République. Il veut dire sans doute que tout cela est indispensable au maintien de la politique radicale-socialiste et, en ce cas, nous sommes d'accord avec lui. Mais précisé ment le pays est écœuré de cette politique, et ce n'est pas en la défendant, comme le fait M. Bourgeois, en montrant qu'elle est essen tiellement inséparable de la tyrannie, de la dé lation, de la corruption électorale, qu'on lui redonnera du prestige. Quoi qu'en pense ou veuille faire croire M. Bourgeois, ceux qui voient dans la R. P. la ré forme initiale, sans laquelle aucune autre ne pourra être accomplie, ne sont pas hypnotisés par une idée fixe. Ils connaissent aussi bien que M. Bourgeois l'histoire du passé et celle de la seconde République. Ils sa vent comment les républiques finissent : elles finissent quand l'intérêt national est sa crifié, quand les représentants du peuple, sacri fient le bien public à l'avantage d'une coterie,...