PRÉCÉDENT

Journal des débats politiques et littéraires, 7 mars 1874

SUIVANT

URL invalide

Journal des débats politiques et littéraires
7 mars 1874


Extrait du journal

ment que le septennat avait été voté pour sept ans, et par conséquent qu'il durerait sept ans? Suffit-il bien en effet, pour vivre, de décréter qu'on vivra? Ne faut-il pas quelque chose de plus? Quand on met un enfant au monde, on ne demanderait certes pas mieux que de déposer dans son berceau un brevet de centenaire, mais ce brevet, fût-il délivré par l'Académie de Médecine elle-même, empêcherait-il l'enfant d'être emporté à sa première dent, si la na ture avait négligé de le pourvoir d'une constitution suffisamment robuste ? Une bonne constitution, un tempérament sain, un esprit modéré, voilà le meilleur brevet de longue vie. N'en peut-on pas dire autant des gouvernemens, et l'expérience ne nous a-t-elle point d'ailleurs édifiés à cet égard ? N'avons-nous pas fondé « à per pétuité » depuis moins d'un siècle, deux empires, deux monarchies et trois répu bliques? Ces gouvernemens perpétuels ont duré, comme on sait, de trois ans à dix huit ans. Le septennat aura-t-il meilleure fortune? Ira-t-il paisiblement jusqu'au bout de la carrière qui lui a été assignée? Nous le souhaitons, mais nous n'en sa vons rien, et franchement, quand nous examinons les conditions actuelles de son existence, il nous est bien permis de con cevoir quelques appréhensions. Nominalement, du moins, le septennat est une forme de la république. M. le maréchal Mac-Mahon est qualifié de Président de la ré publique française, comme l'était son illus tre prédécesseur, M. Thiers. Nous sommes persuadés qu'il a pris cette qualification au sérieux et qu'il est très loyalement résolu à préserver pendant sept ans la république de toute atteinte; mais si nous sommes rassurés du côté du pouvoir exécutif, pou vons-nous l'être au même degré du côté du pouvoir législatif, qui est en même temps, ne l'oublions pas, le pouvoir constituant? En présence et même au-dessus du chef du pou voir exécutif, que trouvons-nous? une As semblée unique et souveraine, c'est-à-dire une Assemblée qui peut toujours, à son gré, défaire ce qu'elle a fait, délier ce qu'elle a lié, car aucun pouvoir placé en dehors d'elle ne vient borner son pouvoir, et dans cette Assemblée souveraine, omnipotente, d'un gouvernement qui continue à s'appeler la république, que trouvons - nous encore ? une majorité formée de la coalition de deux partis monarchiques et du parti impérialiste, coalition dont le seul lien visible est l'horreur de la république. Ces trois partis ont-ils du moins juré une trêve de sept ans? Sont-ils conve nus d'attendre l'expiration du septennat pour se disjoindre et reprendre leur liberté d'action? Pas du tout. Les monarchistes de l'extrême droite, par exemple, ont soin de nous rappeler de temps en temps, par l'or gane de leurs journaux les plus autorisés, qu'ils n'ont pris aucun engagement de ce genre, et n'est-ce pas le leader des bonapar tistes qui déclarait récemment que le sep tennat possédait seulement une « force éphé mère ? » Voilà les appuis de la république septennale ! Le Français lui-même reconnaissait der nièrement que ces soutiens, si solides et si étroitement liés qu'ils soient, pourraient bien ne pas suffire, et il conviait le centre gauche à se joindre à la majorité du septennat. Le centre gauche est assuré ment fort disposé à soutenir le septennat, et même à le soutenir pendant sept ans. Il en prendrait très volontiers l'engagement, nous n'en doutons pas, mais encore fau drait-il que cet engagement, il ne fût pas seul à le prendre. Le Français peut-il lui garantir que l'extrême droite légitimiste et les bonapartistes soutiendront avec lui et comme lui la république septennale? Il se peut que le Français soit en mesure de fournir cette garantie ; mais, en atten dant, nous concevons que le centre gauche se tienne sûr la réserve. En attendant aussi, nous tombons d'accord avec le Français que la situation du septennat est assez pré caire, et nous ne nous étonnons point que les déclarations des feuilles officieuses ne suffisent pas à rassurer complètement les esprits sur sa durée....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • de broglie
  • thiers
  • jay
  • delsol
  • brand
  • laboulaye
  • lefèvre-pontalis
  • dufaure
  • ledru-rollin
  • vingtain
  • vienne
  • chambre
  • paris
  • madrid
  • berlin
  • brésil
  • turquie
  • paraguay
  • londres
  • russie
  • la république
  • l'assemblée
  • conseil d'etat
  • santander
  • h.w
  • parlement
  • une assemblée
  • académie de médecine
  • assemblée nationale