Extrait du journal

LE MINISTÈRE INTANGIBLE M. Baduel, sénateur du Cantal, est devenu président de la Gauche démocratique, c'est-à -dire du petit groupe ministériel, autant dire antisénatorial, du Sénat. En'prenant possession de cette dignité, il a prononcé hier un discours qui, si l'on en croit la presse ministérielle, est destiné à avoir dans le pays « un énorme reten tissement ». Le Rappel se plaît à en redire les fortes paroles :-« Il est inadmissible que des ré publicains combattent un ministère qui veut des réformes démocratiques. » Le ministère actuel veut évidemment des réformes démocra tiques,-puisqu'il a pris le parti de donner ce nom aux projets dont il prend l'initiative et à toutes les propositions auxquelles il accorde son appui. Dès lors, quiconque n'est pas ministériel ou combat les projets du ministère est un ennemi des réformes démocratiques et ne peut préten dre au titre de républicain. i Sur ce thème si simple M. Baduel s'est livré à quelques développements qui remplissent d'admiration les ministériels charmés de s'en tendre dire qu'eux seuls sont républicains. M. Baduel l'est, sans doute, au premier degré, car il est impossible d'être plus ministériel que lui. Hier, il a adressé à-ceux qui se permettent de faire quelque opposition à ce ministère, en qui, paraît-il, la République elle-même se per sonnifie, de vifs reproches dont la majorité du Sénat peut prendre sa bonne part. Ce sénateur admet bien que, quand le Cabi net a proposé une réforme qu'il lui a plu de qualifier de démocratique, le Parlement ne l'accepte pas sans aucune espèce d'examen et en fermant tout à fait les yeux. Il reconnaît bien aux députés .et même aux sénateurs le droit de corriger et de changer quelque chose au texte du gouvernement ; mais re jeter en bloc une « réforme .démocratique » proposée par le ministère, c'est ce qu'il déclare inadmissible et presque criminel. Mais sida Chambre ou le Sénat estime qu'une prétendue réforme démocratique est contraire au bien pu blic et à l'intérêt général, si le principe même lui en paraît faux et injuste?' N'importe : ri faut accepter ce principe avec toutes les conséquen- j ces qu'il entraîne. On pourra modifier quelques détails et faire quelques retouches à la rédac tion. Là se borne le rôle des représentants' du pays ; sinon, ils ne sont pas ministériels, ils ne j sont pas républicains. j . Dans son sèlo ardent pour le ministère actuel M. Baduel va si loin qu'il en vient à considérer comme une chose condamnable en soi la seule peasée de renverser ou d'ébranler un minis tère. Depuis que le Cabinet Bourgeois est venu au monde, la « stabilité ministérielle » est de venue, à ses yeux, un bien si précieux, si inesti mable, qu'il n'est pas de sacrifice que l'on né doive s'imposer pour le conserver. Il est plai sant d'entendre ces radicaux qui ont mis tant de ministères à bas, et ont accepté pour cela tous les concours, parler maintenant de la « stabilité ministérielle » avec cette conviction et cette dévotion. Malgré .« l'énorme retentissement » que le discours de M. Baduel doit, selon les journaux ministériels,* avoir "dahs le' pays, il est pou pro bable que le sénateur du Cantal parvienne à persuader aux députés, à ses collègues ni au public, que, désormais, en dehors du ministère Bourgeois, il n'y a point de salut, et que les pro jets fiscaux ou autres de ce ministère sont, en tant quç réformes démocratiques, au-dessus de toute contradiction. Ce sénateur s'imagine-t-il qu'il suffit de prononcer quelques mots sono res pour changer la nature des choses et pour détruire les faits? Pense-t-il que, parce qu'un...