Extrait du journal

Le gouvernement est énergique. Il in terdit un défilé populaire qui devait avoir lieu dimanche. La rue doit être pour les passants, non pour les manifestants. Ceux qui se rassurent dès qu'un mot rai sonnable est proféré par le moindre ministre vont se réjouir. L'ordre va être assuré sans défaillance ; la police va être réarmée pour la circonstance ; les revolvers des agents n'auront pas de projectiles en carton. Que s'est-il donc passé ? Ceci, que di manche est la fête nationale de Jeanne d'Arc. Cette fête nationale est légale, ce que n'est pas encore la fête du I°' mai. C'est contre la fête légale que le gou vernement mobilise les défenseurs de l'ordre. Il est licite et même recommandé de défiler le poing fermé, le jour du ler1er mai, et des personnages officiels hono rent de leur auguste présence cette émou vante marche à l'étoile. Mais il est inter dit de défiler devant les, statues'de Jeanne d'Arc, fille du peuple, qui a ranimé le sentiment national dans la France en vahie, qui a prêché la concorde entre les Français et aussi entre les peuples à condition que chacun reste maître chez soi et dans les limites de son droit. Le nom de Jeanne d'Arc pourrait figurer sur tous les monuments érigés aux « morts pour la France ». Ce n'est vraiment pas excessif ni dangereux que de lui porter des fleurs un jour par an. Mais, nousi dit-on, on lui en porte, des fleurs. Un ministre sera même de service à la place des Pyramides, il y aura de la musique et un détachement militaire. Oui, mais le peuple souverain sera exclu. Seules, des délégations, bien encadrées de police, pourront en silence et en vi tesse déposer des couronnes au pied des statues traditionnelles. Ainsi se tradui ra te souci de l'ordre qu'éprouve, à un degré jamais atteint jusqu'ici, le gouver nement actuel. Nous ne dirons pas que cette mise à l'index de la fête de Jeanne d'Arc est misérable et puérile, elle est au contraire hautement significative. C'est un signe de plus de l'abaissement de l'esprit public. La loi n'est plus la mê me pour tous : au lieu de s'en cacher, on tient à le faire savoir. Tout ce qui est national, tout ce qui exalte le sentiment du devoir et du sacrifice est étranger à ceux qui nous dirigent, antipathique à ceux qui les mènent....