Extrait du journal

Période de calme et de vacances : on s'est bien promis de relire, à la campa gne, les livres dont on a gardé, à la pre mière lecture, la plus vive impression. Temps heureux, on restera, le jour à l'om bre des grands arbres, et, le soir, auprès de la fenêtre entr'ouverte, et l'on reprendra le livre préféré, c'est-à-dire l'ami cher et qui ne trompe jamais. Ce sera comme autrefois, à l'époque où chacun avait son livre de chevet. On ne lit plus dans l'inconnu, on relit dans un souvenir rempli de vie. C'est le renouvellement d'un plaisir en même temps que le plus bel acte de déférence que l'on puisse rendre à l'effort de l'écri vain. Celui-ci a atteint son but, il a créé l'œuvre captivante qui va lui survire, né cessaire au bonheur spirituel de ses sem blables. Le goût du lecteur est flatté puisqu'il retourne à sa lecture. Nous trou vons, dans une seconde lecture, en même temps que la gaîté sereine de revoir comme un charmant paysage déjà connu, l'apaisement total, l'oubli même de nos travaux obligatoires, de notre fonction quotidienne ; nous sommes comme avec un compagnon qui, chemin faisant, nous révélera encore d'autres beautés dans la page à laquelle nous sommes pourtant habitués. Le livre préféré et qu'on relit est, en quelque sorte, un fonds inépuisable qui donne une valeur nouvelle à la sensibi lité ou qui suscite d'autres sensations. C'est une incessante rénovation de la joie intellectuelle, une évocation agréable de connaissances antérieures, c'est la pleine ratification de la première impression, et l'on est heureux de ne pas s'être trompé, d'avoir, du premier coup, eu un jugement que le temps ne désavoue pas. C'est le triomphe d'un auteur, lorsque, comme d'Alembert, il reçoit un mot pa reil à celui qu'écrivait Voltaire ,« Je...