Extrait du journal
Donc, tandis que je travaillais, la lu mière m'a manqué subitement, ainsi qu'il arrivait, au même instant, à beaucoup d'autres Parisiens. D'abord du dépit s'est mêlé à ma surprise, comme s'il y avait eu dans cet accident quelque chose d'inad-r missible. Puis j'ai éprouvé combien la morne Providence qui veille aux nécessités de notre vie nous laisse, dès qu'elle nous manque, déconcertés et embarrassés. Dans la chambre où j'écrivais, parmi les choses familières, je me suis trouvé perdu comme un enfant dans la forêt. Enfin, à tâtons, je cherche et je rassemble quelques chan deliers et j'allume les bougies qu'on y avait mises pour la montre. La première est lugubre, la seconde triste, la troisième indécise, la quatrième presque gaie. Je ne songe pas à reprendre mon tra vail; je les regarde et cela m'amuse : une frange irisée tremble dans l'air autour d'elles. On dirait de petites marquises de lumière. Je me demande pourquoi je les trouve si jolies. D'abord elles bougent. Les quatre flammes se penchent, s'agitent, restent un instant immobiles, puis, de nou veau, elles dansent. Mais il y a autre chose : elles sont à moi. La morne éiecr tricité ne faisait que passer ici pour courir ailleurs. Ces bougies sont vraiment l'âme" de ma chambre. Et voici que je me rap pelle les anciennes lampes, et non seule ment celles à pétrole, d'une clarté dure et blanche, mais la bonne, l'excellente lampe à huile, qui répandait sa lumière riche et douce sur les pages couleur d'ivoire des vieux livres. Il est vrai qu'il fallait la remonter de temps en temps, mais cette sollicitude ne faisait que mieux: associer le travailleur nocturne à sa pai sible compagne. Tandis que la nuit avan çait, la lampe se fatiguait en même temps que l'esprit du liseur, et lorsque enfin elle était éteinte, et que l'homme passait dans sa chambre avec un flambeau, alors, dans la pièce tapissée de livres qui avait servi -d'asile aux pensées, un rayon du clair de lune entrait avec tous les rêves. Il n'y a pas de doute que, grâce au per fectionnement des machines, notre vie de vient plus simple et plus aisée que celle de nos pères ; mais ce que nous gagnons...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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