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Journal des débats politiques et littéraires, 9 juillet 1848

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Journal des débats politiques et littéraires
9 juillet 1848


Extrait du journal

L'impôt progressif comme le propose M. Goud chaux est contraire à l'équité. Nous admettons que la société, dans son désir d'encourager les efforts du pauvre pour arriver à la propriété, accorde une immunité-aux héritages directs de moins de 500 fr.; c'est une générosité qui part d'une bonne intention, et qui cependant est peu efficace. Mais on ne nous fera jamais comprendre pourquoi une fortune de 100,000 fr., qui se partage entre dix enfans, paie rait plus proportionnellement qu'une fortune de 10,000 fr. qui va à un seul; pourquoi telle per sonne qui hérite du dixième de 100,000 fr. serait frappée plus que telle autre qui hérité de 10,000 fr. Un pareil projet bouleverse toutes les notions de l'égalité devant la loi, toutes les idées de l'arith métique élémentaire. Mais ce n'est là que le moindre défaut du projet de loi. Il heurte les principes les mieux arrêtés en matière d'impôt. S'il y a une idée sur laquelle soient d'accord les personnes compétentes, c'est que l'impôt doit ne jamais atteindre le capital et toujours s'adresser au seul revenu. Il n'y a que les communistes qui soient d'un autre avis, parce que le fond du communisme c'est la haine, c'est la passion de dépouiller les riches, quand môme il s'ensuivrait la misère universelle. Les communis tes confisquent le capital et le dévorent, et la misère de tous est le produit net du système, parce que lorsqu'une société n'a plus de capital, elle n'a pas .le moyen de travailler. L'image d'une-société sans capital, c'est cette troupe de malheureux fellahs que Méhémet-Àli avait réunis entre Alexandrie et le Nil, pour leur faire creuser le canal Mahmoudié, sans outils, presque sans vivres. Plus de vingt mille y périrent misérablement. Il n'y a de salaires élevés , et même médiocres, que lorsqu'il y a beau coup de capital en présence d'une nombreuse po pulation. S'il y a peu de capital, il n'y a pour les ouvriers qu'une abjecte misère. C'est pour cela qu'un gouvernement qui est sou cieux de l'intérêt populaire se montre attentif à évi ter toute mesure qui tendrait à détruire le capital; ce n'est, point par un ménagement partial en fa veur de ceux qui possèdent du capital, quoiqu'ils aient droit à la même protection apparemment que leurs concitoyens ; c'est par une sympathie éclairée pour ceux qui n'en ont pas et veulent en acquérir par le travail et par l'épargne, seule façon qu'il y ait d'en créer, seul procédé honnête pour s'enrichir. Or il est bien évident que l'impôt sur les succes sions , tel que l'a proposé M. Goudchaux, cause rait tous les ans la destruction d'une partie du ca pital déjà acquis à la société. Il ferait arriver tous les ans dans les coffrés de l'Etat, qui engloutit .tout ce qu'il reçoit sans rien restituer, une fraction no table de la richesse capitalisée déjà de la nation. Aux Etats-Unis, la tendance est d'arriver au système de l'impôt unique. C'est un impôt sur le revenu, qui est. proportionnel au capital- matériel ou immatériel que chacun possède. Le capital que les assesseurs attribuent à chacun s'évalue en ca pitalisant fictivement le revenu. Voilà comment procède, en matière d'impôts, un gouvernement qui se dévoue avec intelligence aux intérêts populaires. Qu'on épargne certains revenus supposés trop modiques pour subvenir aux besoins de l'homme , c'est humain et c'esl praticable, surtout lorsque, de même qu'aux Etats-Unis , la somme h fournir p«r les contribuables est modérée. Qu'où mette un im pôt sur les successions qui soit assez modéré peur n'atteindre les familles que dans leur revenu , c'est légitime: mais établir d'une manière permanente un impôt lourd et progressif sur les successions , conformément au nouveau projet de loi. c'est une inspiration funeste. De cette manière ,en effet, on dissipe la substance même de l'amélioration popu laire/ OU- .- î : 3 - 1: Par la même raison, avec des procédés pareils on repousse les étrangers riches qui auraient eu le désir de venir s'établir dans le pays avec leurs ca pitaux qu'ils y auraient mis eil activité, au grand avantage tics populations. Il est même probable qu'une loi de ce genro tendrait à faire sortir des fortunes françaises de notre territoire. I! faut en finir avec cette lèpre des doctrines communistes. N'ont-elles pas déjà fait trop de mal à notre malheureuse patrie ? Et la faveur qui en toure la nouvelle administration ne vient-elle pas de ce qu'on suppose que, après avoir triomphé de ces doctrines lorsqu'elles se sont dressées en armes pour renverser la société, on répudiera hautement toute connivence avec elfe, et on fera justice des projets qu'elles avaient dictés? La proposition de l'impôt progressif sur les successions est un legs de l'administration précédente, legs malheureux que M. Goudchaux devait tenir à honneur de refuser....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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