Extrait du journal

Le système qui régit là. presse, et que nous exposons sans nous permettre de le critiquer, serait bouleversé si l'administra tion était tenue de frapper uniformément toujours et partout. Non pas que nous voulions dire qu'elle fasse acception de personnes. Mais il lui est impossible de ne point faire acception de circonstances, du moment qu'elle est chargée, non pas de veiller à la répression d'un certainnombre de délits déterminés d'avance, mais d'apprécier le degré d'inconvénient et de danger que présentent nos paroles. On serait difficile ment admis à nier que ces inconvéniens et ces dangers ne varient pas selon les lieux et 'les temps. Aussi l'administration a-t-elle été très vite amenée à se donner une latitude extrême dans l'application du décrej orga nique du 17 février 1852. Il a pu'ar river qu'un article qui n'avait pas été averti à Paris le fût dans un journal de province qui s'était contenté de le reproduire et de I'eînprunter à un auteur non averti lui-même. Le même article, en effet, qui est inoffensif sous le 48e degré de latitude, peut entraîner sous le 49e les conséquences lés, plus fâcheuses, comme un aliment qui rafraîchit le sang à Paris donne la fièvre à Alger. En 1860, le Courrier de Paris, Ta Pairie et la, Revue contemporaine ont sans qùfcun risque ajouté quelque chose.de leur propre fonds au compte-rendu des séances soit du Sénat,: soit du Corps-Législatif ; le Pays en 1852, a été averti pour ne s'être pas renfermé dans la reproduction exacte des procès-ver baux du journal officiel. C'est que ce qui est dangereux une année ne l'est pas dans une autre, et il est bon que, pour pourvoir aux vicissitudes des saisons, l'avertissement soit comme une sorte d'éclielle mobile in tellectuelle qui prohibe ou permette tour à tour la circulation de certains produits. C'est aussi que ce qui est périlleux devant le public de tel journal ne l'est pas pour les abonnés du journal voisin. Ne doit-on pas, lorsqu'on a la faculté d'appréciation ab solue et universelle, tenir grand compte de la différence des tempéramens? Tout est si flexible en matière de presse, que l'avertisse ment lui-même, considéré en soi et indé pendamment de toute application, peut être également défini la peine-la plus dure et la plus douce, on serait presque tenté de dire...