Extrait du journal
PARIS EN 1750, PAR UN ALLEMAND Les étrangers, et surtout les Allemands, nous reprochent de ne rien comprendre à leurs mœurs et de* ne voir dans leur pays que la fausse apparence des choses sans en pénétrer le sens intime. Il se peut que le reproche soit fondé; mais-ce qui est non moins certain, c'est que les Allemands ne sont pas plus pourvus que nous du don de pénétration et que nous restons aussi fer més à leurs investigations qu'ils le sont aux nôtres. Les notes de voyages de Kotzebue, que vient de traduire M. Ch. Rahany dans la Revue rétrospective, prouvent une fois de plus la vérité .de cette constatation. L'auteur d'Adélaïde de Wulfingeti ne fait d'ailleurs aucune difficulté de le; reconnaî tre.- L'incompatibilité des deux races s est manifestée dès le premier jour de son arri vée à Paris, au théâtre. « Je riais, écrit-il, à tous les endroits où les Français pleuraient, applaudissaient, criaient : Bravo! Que veut dire cela ? Les Français sont un peuple raf finé; moi-même je ne crois pas avoir jamais eu mauvais goût : comment donc se fait-il que nous soyons aussi éloignés les uns des autres, dans notre manière de sentir, que la terre Vest du ciel ?... Un de ces jours j'irai entendre une tragédie au théâ tre de la Nation pour rire fout mon saoul. » Voilà pour le tragique ; pour le comique même absence de compréhension. Kotze bue s'en va aux ombres chinoises au PalaisRoyal. On y jouait une pièce dans laquelle une femme russe se plaint à son amie de ce que son mari ne l'aime plus, attendu qu'il ne l'a pas battue depuis trois jours. Là-des sus le mari paraît et s'excuse, en disant qu'il avait perdu sa canne, mais qu'il vient de la fétrouver, et, comme preuve de son repentir, il rosse sa moitié à tour de bras. « Ciel, pensai-je, voilà bien l'ignorance française 1 Peut-on croire encore qu'en Russie les femmes aiment mieux être bat tu* qu'embrassées par leurs époux? » Quel cuistre ! Non séulement notre pédant ne com prend rien à ce qui se passe autour de lui ; mais les détails matériels de sa narration sOnt d'une fausseté grossière. Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, il affirme que « c'est à peine que l'on peut manger, sans payer son dîner un louis d'or », et encore, ajôute-t-il, « je dois me contenter d'un bouillon, sans goût, d'un morceau de bouilli si dur qu'on ne peut le couper, d'un ragoût nauséabond et d'un rôti desséché ». Sans les pommes de terre, le pauvre homme serait mort de faim. Raconter qu'à Paris, en 1790, le plus détestable dîner dans la plus infime gargote coûtait un louis d'or, c'est-à-dire ce qui/vaudrait aujourd'hui 60 OuiBo fr., c'est abuser de la candeur teûto nique. Ailleurs, Kotzebue assure que nos théâtres sont si mal aménagés qu'il faut, à la fin du spectacle « plus d'une heure et demie » pour aller de sa place au vestibule de sortie. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que ce rigide auteur dramatique est fortemenl scandalisé de la légèreté de nos mœurs. Le...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - chamfort
- pellisson
- delyannis
- boinvilliers
- de cassagnac
- morellet
- sainte-beuve
- la bruyère
- vauvenargues
- helvétius
- allemagne
- angleterre
- paris
- cham
- france
- grèce
- russie
- kotzebue
- chine
- alsace-lorraine
- la république
- union
- cour des comptes
- ecole normale
- académie française