Extrait du journal

Le parti légitimiste avait donné pendant la guerre contre la Prusse de nombreuses et éclatantes preuves de son patriotisme, et versé sans le ménager son sang le plus précieux sur tous les champs de bataille. Ses représentans les plus illustres ont »i vaillamment combattu sous le drapeau tri colore qu'ils ne pouvaient manquer de s'attacher à ce témoin de leur dévouement et de leur héroïsme. Aussi ceux d'entre eux qui se trouvent en ce moment à Versailles ont-ils répondu au Manifeste du comte de Chambord par une Note collective où ils prennent avec une respectueuse fermeté congé du prince qu'ils avaient jusqu'à ce jour regardé comme leur chef. Ils décla rent en effet qu'ils restent dévoués aux in térêts de la France et à ses libertés, et, « pleins de déférence pour ses volontés, ils ne se séparent pas du drapeau qu'elle s'est donné. * Nous sommes heureux de prendre acte de cette déclaration, dans la quelle nous voyons une nouvelle preuve de leur sincère et profond patriotisme. Cette détermination a été aussi mûre ment pesée par eux que l'avait été la dé marche de M. le comte de Chambord. On en trouvera la preuve dans un article du Journal de Paris, que nous reproduisons plus loin. On y verra que M. le comte de Paris avait promis depuis quelque temps d'aller rendre visite au chef de sa famille ; que celui-ci, avec une loyauté qui lui fait honneur, l'engagea à différer cette démarche jusqu'à ce qu'une grave détermination qu'il était sur le point de prendre fût connue. Une fois le Manifeste lancé, « les légitimis tes les plus éprouvés, ceux qui jouissent dans leur parti de la plus haute et de la plus légitime autorité, s'empressèrent, dit Je Journal de Paris, de déclarer qu'à la iuite de la publication de cette pièce, la vjsite projetée par M. le comte de Paris, non seulement cessait d'être nécessaire, mais devenait même inopportune. » S'il faut en croire le Français, M. le comte de Chambord ne s'est pas fait la moindre illusion sur l'abîme que sa décla ration allait creuser entre lui et sa patrie. « Ce n'est pas seulement, dit ce journal, un prince qui s'enferme dan» cïfes régions où le pays ne le suivra pa» ; c'est un passé qui s'évanouit, c'est le dernier épilogue d'une grande révolution... Dans l'histoire où l'on voit tant de choses finir, nous con naissons peu de fins aussi dignes et aussi touchantes. » Nous ajouterons que le Manifeste du prince, tant qu'il n'avait entraîné qu'un blâme plus ou moins vif mais silencieux de ses anciens partisans, était un simple accident de la vie politique, auquel nous attachions pour notre part une assez fai ble importance; le désaveu respectueux mais éclatant que vient de lui infliger le parti légitimiste en fait un événement d'une grande portée....