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Journal des débats politiques et littéraires, 10 juillet 1893

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Journal des débats politiques et littéraires
10 juillet 1893


Extrait du journal

La première idée qu'ont eue les députés so cialistes à la suite de la fermeture de la Bourse du Travail, ou du moins la première qu'ils aient exprimée, a été de provoquer la grève générale. C'est la seule réponse qui leur ait paru en rapport avec 1' « attentat » que le gouvernement venait d'accomplir. Nous croyons que, entre la menace et sa réa lisation, il y a loin. Quelle que soit l'autorité tyrannique des syndicats sur un trop grand nombre d'ouvriers, elle ne va pas jus qu'à imposer à tous le chômage d'un bout à l'autre du territoire. Primo vivere ! Avant tout, il faut vivre. Il y a d'ailleurs beaucoup d'ouvriers qui ne sont pas syndiqués, qui n'ont aucun désir de l'être, auxquels la fer meture de la Bourse du Travail a été com plètement indifférente, et qui ne sont rien moins que disposés à obéir docilement à un mot d'ordre quelconque venu un beau matin de Paris. La grève générale sera-t-elle un jour réalisée? Rien n'est plus douteux; mais, en tout cas, ce jour n'est pas encore ar rivé. Aurons-nous, du moins, des grèves partielles? C'est possible. On annonce, en effet, que les députés socialistes, c'est-à-dire MM. Jourde, Jaurès, Lafargue, Basly, etc., ont quitté Paris à la hâte et se sont ren dus dans leurs circonscriptions électorales pour inviter les ouvriers à protester contre le gouvernement, par la cessation du travail. De plus en plus, l'habitude s'établit de re courir à la grève; non plus seulement dans un intérêt ouvrier, mais dans un intérêt et pour une fin politiques. La grève devient une arme entre les mains des politiciens. Avons-nous besoin de faire remarquer com bien cette manière de la concevoir et de la pratiquer la détourne de son véritable objet ? Que les ouvriers suspendent leur travail parce qu'ils sont en désaccord avec leurs patrons sur les conditions mêmes de ce travail et sur la rémunération qu'ils en re tirent, rien de plus naturel, et, quelquefois, de plus légitime. C'est l'exercice d'un droit incontestable. Mais se mettre en grève sur un signal venu on ne sait d'où, donné on ne sait par qui, afin d'exercer sur le gouverne ment une action purement politique, voilà qui est nouveau et plus difficile à justifier. Il y a une cruauté véritable à jouer avec l'existence des ouvriers, à les priver de salaire et de pain, à les condamner à la misère ou à la maladie, uniquement parce qu'on s'est trouvé en minorité au PalaisBourbon. Ce sont là des mœurs détes tables. Mais en les condamnant, il faut en dénonoer le danger. Le gouvernement a eu raison de se préoccuper des illégalités qui se passaient àla Bourse du Travail. On peut voir aujourd'hui quel en était le but : consti tuer une armée disciplinée, obéissante, nom breuse, comprenant même, si on le pouvait, tous les travailleurs, et la mettre à la dispo sition d'un parti politique. Mais nous n'en sommes pas encore là. j...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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