Extrait du journal

que de sortir de notre caractère, ou plutôt de le reprendre dans son état natif, lors que des événemens imprévus, et surtout des surprises de ce genre, viennent trou bler notre quiétude ; mais nous mettons par trop d'empressement à nous déclarer très émus. Nous ne sommes que mis en éveil, situation qui n'est pas des plus mauvaises quand on ne tient pas à trop dormir. Ne nous souvient-il pas que, il y a seu lement cinq ou six ans, lorsqu'on vit que la Constitution de 1875 allait entrer en fonction et qu'il arrivait, pour la servir, une Chambre qui n'était pas républicaine pour rire, les gens effarés par tempéra ment ou par calcul se firent des visages sur lesquels se trahissait au moins autant d'épouvante? Il y eut jusqu'à des répu blicains avérés qui jugèrent le 5 0/0 un fonds dangereux, et s'amusèrent à acheter très cher de 3 Consolidés anglais. Si ces arbitragistes souhaitent de recommencer l'expérience, libre à eux ; ils recommence ront à en faire les frais. Il est beaucoup plus sage de calmer ses sens et de se demander si ce qui s'est passé n'est pas, au contraire, de nature à ramener un bon nombre de personnages politiques, d'humeur facile et indulgente, à une meilleure et plus ferme intelligence des droits et des devoirs d'un gouverne ment dans une grande démocratie de trente-huit millions d'hommes qui, par goût ou par raison, s'est donné la tâche de s'organiser républicainement une fois pour toutes. Attendons au moins devoir si cette vieille bourgeoisie de France, qui a un si beau passé derrière elle et qui ne s'est jamais recrutée plus aisément et, plus largement dans les rangs du peuple entier, consentira à n'être plus elle-même et à laisser bafouer en sa personne le bon sens et le patriotisme. Pour la Constitution de l'an 111, nous n'admettons pas davantage que ce qu'elle a été doive nous servir de modèle, et que notre ambition ne puisse pas aller plus loin que d'avoir une Constitution de 1875 emboîtant le pas avec fidélité derrière elle. Théoriquement, la Constitution de l'an 111 pouvait marcher comme une au tre, quoiqu'elle eût quatre directeurs 'de trop, et, à la rigueur, on peut dire que, puisqu'elle pouvait marcher et peu à peu nous aider à passer de la république de combat à la république légale et ré gulière, la nôtre, qui est meilleure et surtout plus élastique, y réussira sans grande peine et n'a pas à s'inquiéter d'un peu plus ou d'un peu moins de désordre et de décousu dans nos manœu vres. Oui, mais à la condition que nous ayons toujours sous les yeux l'écueil sur lequel elle alla sombrer. On pouvait être imprévoyant et plein d'illusions en 1795 ou en 1796. Nous venions d'acquérir nos frontières naturelles, et personne n'avait l'air de croire en Europe que nous les per drions un jour. Nous n'avons pas le droit d'imiter le laisser aller des hommes de cette époque, après les dures leçons que nous avons subies, et les courans et les contre-courans du 18 fructidor et du 30 prairial sont des plaisirs que nous sommes dans la nécessité de nous re trancher. Catherine II disait que les gouvernemens se doivent de marcher vers les fins dont ils sont chargés sans plus s'émouvoir des vai nes clameurs que la lune en son cours ne le fait de l'aboiement des chiens. Les gou vernemens des démocraties et des répu bliques, plus ils ont à cœur de n'avoir pas inutilement passé sur la scène, plus ils se doivent de se rappeler cette maxime d'une grande patriote dans son Etat et de la pratiquer. A quoi bon, maintenant, disserter sur l'opinion qui nous .américanise d'avance et irréparablement. Elle n'a pas une assez...