Extrait du journal

Réhabilitation . Qui dé nous, vers le mois de janvier, n'a médit de l'oignon? Les jardiniers nous avaient annoncé sur sa foi un hiver assez doux ; car cette liliacée « dont on ne con naît pas la patrie, comme dit un diction naire, mais qu'on cultive pour ses bulbes qui sont comestibles », cet humble frère du lys royal; digestif, stimulant, diuré tique, vermifuge et propre aux cata plasmes, joint à toutes ces vertus ména gères et bourgeoises la réputation de de vancer les temps et de prévoir l'avenir. S'il est, parmi les fleurs des champs, des plantes plus magnifiques et dont l'habit de Saloniqn n'égale point la splendeur, il;n'en est pas de plus chaudement vêtue, à tel point, que, d'un homme emmitouflé ■de fourrures, le langage populaire a coutume dé dire : « Il est vêtu comme un oignon. » Frileusement blotti sous ses pellicules, on assurait que ce bulbe en mesure le nombre et l'épaisseur à la rigueur des frimas qui vont venir ; on avait compté ses tuniques ; elles étaient peu nombreuses et l'on en concluait que l'hiver serait clément. Quand, au début de l'année, le sol se couvrit de neige, ladéconvenue fut grande; allions-nous revoir les terribles gelées de l'hiver précédent et grelotter au coin de nos foyers sans feu? Les temps sont durs pour les prophètes; chacun cria haro sur celui-ci et proclama la faillite de l'oignon. -Puis le dégel survint et avec lui une let tre qui s'exprimait ainsi : « Monsieur, il y quelques semaines, alors qu'une vague de froid courte, maïs assez rude, s'était abat tue sur Paris, vous avez cru devoir pren dre votre plume et, les doigts gelés, acc-u -seri'oignon de nous avoir trompés. Etes vous convaincus maintenant que c'est lui qui avait raison? Les bourgeons apparais sent et 'sa simple chemise est plus que suffisante pour lui permettre de passer sans dômmage un hiver des plus doux. Allons, Monsieur, un bon mouvement : réhabilitez l'oignon ! » Il est toujours honorable de reconnaître...