Extrait du journal

Les cheveux courts Une mode succombe quand elle triom phe. Car, comme elle n'a été qu'un moyen de se distinguer, du moment qu'elle est trop commune, il faut évidemment la rem placer par une autre. Ce devrait être le cas pour celle des cheveux courts, puis qu'il n'est pas de bonne revenant du mar ché qui ne meuve avec fierté, au-dessus de ses légumes, une tête accommodée de cette façon. Si l'on cherche les raisons de cette mode, on trouvera d'abord, comme pour toutes les autres, le besoin de se renouveler. Au-dessous du bonheur de rendre hommage à son propre corps, au dessous du plaisir ravissant de mortifier des rivales, d'exciter leur jalousie et leur dépit, c'est, pour chaque femme, une né cessité essentielle de paraître assez diffé rente de soi pour contenter, à elle seule," le désir de variété dont l'homme reste tou jours animé, et, si l'on voulait faire une pointe, on pourrait dire qu'elle change afin qu'on lui reste fidèle. Pour ce qui est de la coiffure qui nous occupe, elle fut peut-être adoptée aussi pour d'autres raisons, dont l'une se re trouve dans tout ce qui touche à l'ajuste ment de l'homme et de la femme modernes: c'est ce besoin de se réduire, de se sim plifier pour la lutte, que nous avons déjà signalé. Aussi bien, dans les anciens pil lages, était-ce toujours par leurs cheveux que les guerriers saisissaient' et entraî naient les captives. 11 semble qu'aujour d'hui la femme ait voulu ne plus offrir, cette prise. Cependant, quelles que soient les causes dé ce changement, il a vrai ment paru excessif. Passe pour les femmes très jeunes, à qui cela a donné un agré ment un peu équivoque. Mais quand il s'agit de personnes d'âge, cette crinière de page ne fait vraiment pas un joli effet, sur des nuques sans fraîcheur, sur des corps mûrs et alourdis. Rien n'est plus triste que de voir une vieille dame repous ser le respect auquel elle a droit, et l'on ne peut s'empêcher de se faire cette ré flexion quand on en voit certaines si promptes à s'accommoder au goût du jour. Même pour les jeunes, d'ailleurs, comment ne pas se désoler quand elles commettent sur elles-mêmes un tel attentat ? Qu'une femme coupe sa chevelure, c'est comme si un flambeau voulait éteindre sa' flamme. Les mouvements ondés d'un chignon, l'en roulement des nattes autour d'une tête ont une douceur où toute la ligne d'un corps vient mourir. Pour qu'une mode aussi incongrue que celle des cheveux courts ait pu s'imposer, il ne suffit pas de la rage d'imitation qui entraîne à la fois les belles, les jolies, les laides, si fort que puisse être ce sentiment;'il faut quel que chose de plus, on ne sait quel besoin de "se renier. %lais, tandis que les femmes jouent ainsi à se déguiser en hommes, les hommes rêvent de la femme. Ils vou-...