Extrait du journal

ï)es notes de l'agence Havas nous apprennent qu'un certain nombre d'arrestations ont été opérées ce matin, que M. Paul Déroulède est au nombre des personnes arrêtées, et qu'il s'a git d'un complot ayant pour but de changer la forme du gouvernement. Ce complot, d'après les mêmes informations, ne serait pas absolu ment neuf. Ce serait plutôt un ancien complot que le gouvernement aurait restauré et rafraî chi. On en aurait déterré les éléments dans les enquêtes et instructions auxquelles il a été procédé à la suite de l'affaire de la caserne de Reuilly. Il s'y trouvait, paraît-il, des faits que le gouvernement et la justice avaient négligés. M. Déroulède soutenait bien et publiait dès cette époque qu'il avait conspiré. On ne voulut point ajouter foi à ses paroles. Mais le minis tère actuel s'est montré moins incrédule ; l'es pièces saisies à cette époque ont été soumises, ont été compulsées de nouvean, ce qui a per mis, dit la note officieuse, de « reconstituer le complot », dans lequel des membres de la Li gue des Patriotes, de la Ligue antisémite et de la Jeunesse royaliste se trouvent impliqués. Si l'on s'en rapporte aussi aux renseigne ments de la même source, ce complot, trop dé daigné, se serait continué, prolongé et enhardi. Grâce à une surveillance très active, le gouver nement aurait acquis la preuve que les mêmes groupes préparaient une nouvelle tentative à . brève échéance. C'est ce qui expliquerait et jus tifierait les arrestations qui viennent d'avoir lieu ; le gouvernement fait dire, d'ailleurs, qu'il est absolument sûr de son fait, et que les piè ces dont en possession ne laissent aucun ? doute ni sur l'existence du complot, ni sur ses auteurs. C'est ce qu'il se réserve 1 sans doute d'établir. Ce coup de théâtre ne nous surprend qu'à demi. Aussitôt arrivé au pouvoir, le Cabinet actuel n'avait pas caché qu'il y apportait des idées de complot et des aspirations à la haute Cour. On avait parlé très publiquement des instructions qu'il avait adressées au préfet de police pour l'inviter à faire des recherches et à les diriger sur tous les faits se rattachant à l'échauffourée de Neuilly. Il était visible que le nouveau gouvernement n'était pas disposé à s'en tenir à la solution donnée à cette affaire sous le ministère précédent et à l'acquitte ment de M. Déroulède en Cour d'assises. Sans autre principe, sans autre programme que celui de sauver la République de quelque chose, ce ministère avait le sentiment qu'un complot était bien nécessaire à son existence et à son crédit. Les instructions qu'il a données en ce sens ont eu, paraît-il, le meilleur succès. Les arrestations qu'on nous annonce en témoi gnent. • Nous ne savons si c'ést à dessein qu'elles ont été opérées précisément au moment où elles viennent de l'êlre, et si le gouvernement a choisi son heure pour faire éclater le complot. Il est possible qu'il n'en soit rien, et que le gou vernement se soit trouvé en présence d'un danger si pressant, si imminent et en même temps si redoutable, qu'il n'ait pu différer d'agir, ni retarder d'un seul instant les mesures qu'il croyait avoir à prendre, sous peine des pires catastrophes. C'est la supposition la plus...