Extrait du journal

Tout le monde a dû être frappé de la rapidité et de la facilité • avec lesquelles l'Angleterre a jeté par-dessus bord sa poli tique traditionnelle à l'égard de l'Orient, et on a vu le pays pour lequel la légen daire intégrité de l'empire ottoman était depuis si longtemps un dogme être tout à coup le premier à réclamer le démantèle ment de cet édifice vermoulu. Ce change ment subit a plusieurs raisons d'être. En premier lieu, les Anglais, gens positifs, font comme les rats qui quittent une mai son sur le point de tomber; en second lieu, ils calculent que, s'ils voulaient encore aller sauver l'intégrité de la Turquie, ils se raient obligés d'y aller seuls. C'est pour quoi ils sont tout prêts à abandonner des morceaux de l'empire ottoman pour qu'il "en reste encore quelque chose, et à fairè toutes sortes de sacrifices pour que l'éter nelle question d'Orient ne soit pas soule vée pendant qu'ils sont isolés. La guerre de 1854 et 1855, l'expédition de Crimée, le siège de Sébastopol furent des épisodes de la politique personnelle de l'empereur Napoléon 111. Au point de vue de son intérêt dynastique, absolument distinct de celui de la France, ce fut un coup assez habile, car c'était la dissolution de l'ancienne coalition de l'Europe contre l'empire. Ce fut le prix payé .pour l'alliance anglaise. L'empereur de Russie ne crut pas, ne voulut jamais croire que l'Angle terre pût devenir l'alliée active d'un Napo léon; il refusa, de le croire jusqu'au der nier moment et précipita la guerre. Cette erreur, chèrement payée, a été réparée au milieu des désastres de la France, et l'An gleterre, restée seule, >a vu déchirer le traité de Paris, et la Russie reprendre pos session de la mer Noire. Or, aujourd'hui, si l'intégrité de l'empire ottoman était menacée, la France n'aurait phis les mêmes motifs pour recommencer la campagne d'Orient. Nous avons autre chose à faire, et l'Angleterre resterait seule chargée de la besogne. Il est clair qu'elle n'est pas disposée à l'entreprendre, et c'est ce qui explique son changement d'attitude et de langage. . < Une autre raison encore, c'est que l'An gleterre est en ce moment menacée d'une complication, qui l'inquiète beaucoup, dans une autre partie plus avancée de l'Orient", la Chine. Quand nous disons qu'elle en est très inquiète, nous ne voulons naturelle ment pas dire qu'elle ne soit pas dix fois en mesure d'en triompher ; mais, ce qu'elle craint, c'est précisément d'être obligée d'user de ses forces et de s'embarquer dans une entreprise où le succès même et la victoire peuvent lui créer de sérieux em barras. Un des motifs qui nous laissent encore des appréhensions sur la prolonga tion destroubles dans les provinces turques, c'est que la solution toujours menaçante de la question d'Orient pourrait bien être accélérée si l'on voyait l'Angleterre sérieu sement occupée dans une expédition en core plus lointaine. Ce n'est donc pas de gaîté de cœur que l'Angleterre irait entreprendre une nou velle campagne de Chine; elle ne s'y ré soudrait que pour obéir à une impérieuse nécessité. Mais cette nécessité existe, et d'nn jour à l'autre on peut apprendre que le ministre anglais en Chine s'est retiré et qu'une escadre anglaise est en route pour exiger des réparations. On sait que sur ces- vieux peuples rusés et fourbes il n'y a que la force qui fasse une impres sion efficace, et l'Angleterre est obligée d'appuyer son ultimatum par la vue des canons. „ Les réclamations du gouvernement an glais sont de plusieurs sortes. D'abord, uu sujet anglais qui cherchait à pénétrer en Chine par la frontière occidentale et à ou vrir une nouvelle voie commerciale, a été massacré, avec la tolérance, sinon la conni vence des autorités. Le gouvernement chinois, qui commence toujours par des...