Extrait du journal

L'autre nuit, d'une de ces boîtes qui miraculeusement captent les ondes, une voix d'une étrange beauté .brusquement s'exhala qu'on eût pu justement supposer, céleste si elle n'avait chanté des paroles humaines. Douce et grave, elle emplit un instant la pièce, puis s'éteignit. Etoile filante des sons, elle n'avait traversé notre ciel restreint que pendant quelques secon des, et pourtant nous ne la pourrons plus oublier. D'où venait-elle? A qui apparte nâit-eîle? Nous n'en saurons jamais rien. Elle arrivait du fond de l'espace; elle avait parcouru de fabuleuses distances, muette au cours de son voyage, croisant une nittl-j titude d'autres voix muettes comme elle,' et, soudain, happée par la petite boîte ma gique, s'y blottissant, elle avait retrouvé pour nous son timbre prestigieux. A notre époque, où cependant abondent les disciples de saint Thomas, où nous' considérons volontiers toutes choses diu point de vue matériel, où nous nous van tons de lâcher de moins en moins la proie pour l'ombre, ce sont pourtant des ombres qui nous enchantent, et c'est le monde in visible qu'avec la T. S. F. chacun introduit dans son foyer. La foule, au cinéma, ne se .passionne que pour des reflets. Elle les aime, les ad mire, les retrouve avec bonheur. Ils de viennent des familiers dont elle connaît les moindres gestes, les moindres tics. Ils ani ment- son souvenir; ils embellissent ses rêves; elle copie les modes qu'ils lancent, imite leur accent car ils parlent main-...