Extrait du journal
le laisser-passer signé de leur maire, parce qu'ils portaient un képi de garde national. C'étaient des faits isolés, surtout sur celte rive gauche de la Seiue. où depuis long temps l'espace où l'on circule est bien étroit et même bien désert. Mais hier, dans l'après-midi, nos champs élevés du nord est de Paris avaient affaire à une armée de o ou G,OOO ravageurs. » Remarquons bien toujours que, si les municipalités de la banlieue de la Seine (mais on leur demandera des comptes plus tard) ne s'étaient pas presque partout con duites avec trop de pusilllanimité, pas un des habitans des villages de ce plateau n'aurait eu à quitter sa maison et son champ. La preuve, c'est qu'un grand nom bre y sont restés, luttant comme ils peu vent contre le brigandage qui non seule ment les dépouille, mais les insulte. Il y & là une étendue de 2 à 3,000 hectares de terres qui, sous la protection combinée des forts de Romainville, de Noisy et de Rosny, n'ont absolument rien à craindre de l'en nemi, et qui, jusqu'au dernier moment, aménagées avec soin, auraient fourni à nos marchés les verdures et les tubercules qui, la moitié de la semaine, sont l'aliment le plus recherché des ménages. » Je n'aurais jamais imaginé en quel état les a mises le flot de population qui, à ce qu'il paraît, monte chaque jour de Belle ville, de Ménilmontant, de Charonne, passe par la porte de la commune, récemment formée, des Lilas, et se jette dans tous les sens sur sa proie. Sans contredit, la grande masse de ces bandes est composée de femmes et d'enfans pauvres, et même de la dernière pauvreté, à qui cette récolte inattendue semble uu pain bénit; mais ces enfans eux-mêmes et ces femmes usent plus de chaussures, se fatiguent plus, per dent plus de temps, risquent plus de ma ladies que ne vaut le gain qu'y rencontrent les plus faibles ou les moins habiles. Leur caractère ne s'y ennoblit pas non plus, et notre intérêt à tous, c'est que la République forme des citoyens dignes de cette grande qualité de citoyens d'une République. » La détérioration des mœurs est ainsi en couragée au détriment de la propriété pri vée, de l'honneur et du bien général. Le gaspillage est, en outre, bien fâcheux. On ne récolle pas, on arrache. Au retour, les plaintes, les disputes qu'amène la fatigue. C'est là que les plus habiles, ou plutôt ceux qui oui le moins de vergogne, attendent leur moment. Ils n'ont pas pris la peine de dépasser cîC beaucoup l'enceinte. » Au coin du premier chemin qui tourne ils arrêtent les enfans, les femmes que leur charge écrase, et qui ont encore une lieue à faire peut-être dans Paris : « Combien ton sac? Me laisses-tu ces choux-là pour tant?» Le porteur hésite un moment; mais quinze ou vingt sous à recevoir sur le-champ, c'est un appât si sûr ! La vente est faite. Un peu plus loin, dans Paris, s'o père la revente, et un plus loin, jusque vers l'ancienne barrière, la vente au pu blic, par petits paquets, des choux, même des simples feuilles de choux, des navets, du persil, des pommes de terre, des petites salades, et principalement des poireaux. Oh ! c'est moins cher qu'à la halle ! » Et tout cela se pratique avec une im perturbable régularité. A la porte du rem part, quelquefois les gardes mobiles se font leur part des arrivages; le plus souvent ils ne disent rien du tout, et même sourient, si c'est une fillette qui passe. Du reste, l'en trée et la sortie sont libres. Ce qui trouble la fête, ce sont les récriminations de ce monde lui-même. Ils ne s'épargnent pas. « Tu vois cette gueuse-là, elle a déjà mis 1,500 francs de côté à vendre comme ça des pommes de terre ! » Voilà ce qu'on en tend. Ou entend aussi, et bien plus sou vent : « Demain, nous irons jusqu'à Rosny. Ii y a là, à ce qu'on dit, de fameux navets»; et autres propos indiquant que, avec la permission des autorités, le pillage n'est pas près de finir. Mieux valait, dans tous les cas, laisser l'arrachage aux corvées ré gulières des troupes. Moins de nourriture périrait et le marché de l'intérieur se trou verait d'autant dégagé, car c'est dans Paris que presque toutes ces troupes s'approvi sionnent. »...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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