Extrait du journal
et que dites - vous , Monsieur, du bruit de ces éperons d'or , de ce cliquetis d'épées mêlé au frôlement de cette robe de soie, au scintillement de cet éventail ? Quel est ce démon qui nous arrive ainsi, porté sur tme chimère des deux sexes, chimère aux ailes d'oiseau, au dard de serpent ; chanson d'amour, chanson bachique, duo charmant de la coupe et des lèvres, raillerie mouillée de larmes; la femme, l'enfant, le dandy, la paysanne, l'habit brodé, le jupon court, tout ce qui est jeune et vaillant, à travers les passions des deux sexes; une apparition entre deux vins; la dentelle et le talon rouge, la broderie et l'éperon d'or, la belle jambe et le fin corsage; un fantôme, il est vrai, mais si vif, si gai, si jaseur, si char mant? C'est un miracle orné d'une moustache à la lèvre et la rose à la joue, cette éternelle homme-et-femme en rabat, en justaucorps, en robe longue, en jupon court, cette réunion ja seuse de tant de gaité, de bonne humeur, de petites passions à fleur de peau ! Elle et lui, deux miracles inséparables, qui vont ensemble et bras dessus, bras dessous, le Rita-Christina de la comédie, un monstre à mettre en bocal et à déposer dans le musée Dupuvtren. C'est quelque chose en effet d'inexplicable et de moustrueux cet ingénieux artiste qui possède à lui seul tant de visages différons, tant de grâces diverses ! 1511 e est double ; il a nom légion. Elle va) il revient; elle. chante, il se fâche; elle se bat en duel, il brode au tambour; elle est assise écoutant une déclaration d'a mour, il se jette à ses propres pieds, se réci tant lui-même, à elle-même, les fragiles et vives ardeurs de la jeunesse; il la trouve belle, et s lie court après lui, riant, chantant, jurant, ra clant de toutes les guitares amoureuses; vive et gai, sémillante et railleur, falbalas et bottes vernies, la main qu'il faut toucher des lèvres, le regard qui fait baisser le regard, le chant du coq au soleil couchant, la douce chanson de l'alouette matinale. C'est l'ombre et c'est le jour! Elle était partie il y a dix ans, il est re venu cette semaine... Et voilà, ou peu s'en faut, avec tout ce que j'oublie, au bout de ses cent mille déguisemens, le jeune chevalier et la pe tite marquise Virginie Déjazet. Ce n'est pas un homme, et ce n'est pas une femme; elle obéit à toutes sortes de lois qui ne sont, pas les lois ordinaires de l'humanité ! Ce qui nous vieillit rajeunit la dame aussitôt; ce qui nous endort abominablement réveille à l'instant le monsieur! On la croit bien loin, la revoilà qui rit à nos barbes blanchies, et cha cun, à la revoir alerte et bondissante en ses courtils, se demande inquiet: Comment, fait , elle? Il faut vraiment qu'elle soit salée et con , flte àla façon de ces primeurs que l'on envoie,...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - déjazet
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