Extrait du journal

« Au commencement était le rythme, » Tout, ici bas, lui est soumis, les arts plas tiques aussi bien qu'une période de prose, que la strophe d'un poème. La peinture ni l'architecture n'échappent à son em prise. 11 est le ferment sans quoi l'œuvre passe, floraison d'une journée. Il lui donne la vie, celle qui ne s'éteint pas, se rit du tombeau et, après des siècles, reparaît dans sa fraîcheur première. D'où vient-il? Mais d'où vient notre souffle ? On devine sa présence comme celle d'une eau cou rante sous les herbes d'une prairie. Il est familier au poète qui sait,* sans pouvoir l'expliquer, qu'il précède toute création et que, dès son appel, il ne s'ap partient plus. Aussitôt que se manifeste ce chant intérieur, imprécis encore, per ceptible pour lui seul et pourtant tout puissant, les mots accourent ainsi qu'au tour d'une ruche les abeilles ; ils forment d'abord un écheveau sonore impossible, semble-t-il, à démêler ; puis quelques-uns brusquement se posent sur un invisible canevas ; l'idée poétique vient de naître ; bientôt de l'informe chrysalide l'insecte parfait va sortir. Cette voix qui nous arrive de l'inconnu, du plus lointain des âges, qui nous émeut et nous guide, nous l'avons appelée l'inspiration. Quelle que soit la matière qu'il travaille, quels que soient jes instruments dont il se serve, si l'artiste l'ignore, il n'est qu'un, ouvrier plus ou moins habile ; s'il la né glige ou la contrarie, il tombe dans l'ar tificiel et les formules. Chaque art a ses modes d'expressions, son « langage » qui varie selon qu'il tra duit des notions intellectuelles ou des faits de sensibilité. Ces alphabets distincts, par moment se pénètrent, à tort presque tou jours ; leur mélange produit parfois pour tant des effets précieux et rares ; c'est une question de mesure. Mais pourquoi...