Extrait du journal

On l'aperçoit de très loin. A chaque tour nant de la route se dresse sa masse verdoyante. Dès qu'ils le voient, ceux qui reviennent au pays savent qu'ils sont chez eux. Ils ont ad miré, sans doute, de plus grandioses paysages, parcouru des contrées plus animées, plus fer tiles, mais aussitôt qu'ils retrouvent sa silhouette familière, leurs souvenirs s'estom pent, s'effacent sous une brume couleur de cendre ; lui seul existe, lui seul rayonne. Sur lui se rassemblent, se concentrent les senteurs de la terre ancestrale, les nuances de sa lumière ; il évoque les chemins creux complices des premiers serments, les ruisseaux où la lune, par les nuits limpides, apparaît comme un galet d'ambre fauve, les vergers bourdonnant d'abeilles, les fermes qui chan tent par la voix de leur coq, tout cet ensemble de formes, de lignes, de clartés et de sons, de rêves, de labeur, de tendresse et d'espoir, qui compose la mystérieuse, l'inoubliable atmo sphère du terroir natal. Peut-être existe-t-il ailleurs d'arbre plus vénérable encore, plus imposant de tronc et de ramures, mais parce qu'il s'éploie sous cette partie du ciel, parce qu'il plonge ses racines...