Extrait du journal

Sous la coupole des Invalides En ce beau lendemain d'armistice, la foule, obéissant à l'instinct qui la pousse à honorer les grands chefs de guerre, vivants ou morts, se porte vers le tombeau de l'Empereur. Pendant tout cet après-midi d'automne, gris et rose, une procession compacte s'engouffre sous le dôme de Mansard. Elle comprend des soldats de toutes les armées alliées, surtout des déta chements de Yanks, auxquels un guide ex plique les détails du monument. Tous se hâtent vers le Tombeau. Mais quelle sur prise ! Nous avions oublié déjà la menace des bombes et des obus, et les précautions qu'il avait fallu prendre pour protéger les cendres impériales. Les six cercueils et le bloc de porphyre ne suffisaient pas ; on les a revêtus d'un énorme amoncellement de sacs de sable qui s'élève jusqu'au niveau de là chapelle. Cette carapaceévoque l'idée de quelque sépulcre assyrien. Les douze campagnes de l'Empereur, symbolisées par des statues de pierre, regardent fixement l'étrange mausolée, et les visiteurs, étonnés et recueillis, s'accoudent sur la balus trade. s Beaucoup d'entre eux s'empressent aussi de visiter la crypte qui était fermée jusqu'à l'année dernière. Un invalide, portant la barbiche des vétérans de Crimée, les con duit en bon ordre. Une lampe à la main, il descend les degrés de l'escalier sombre, et l'on ralentit le pas pour se mettre à son allure, que scande le bruit d'un pilon de bois, et à celle d'un soldat américain qui se traîne sur deux béquilles. On fait le tour de la crypte. Le' gardien montr'e à la troupe les hauts-reliefs allégoriques du pourtour, destinés à glorifier les institu tions napoléoniennes. On entend ces mots : Université, Concordat, Code pénal, divi sion en départements, Conseil d'État On frôle en passant les drapeaux d'Auster litz, ternis, mordorés,et qui semblent prêts à tomber en poussière; puis on remonte dans la chapelle. Au sortir de la crypte, la lumière jaune des vitraux nous éblouit. Sur le mausolée de Turenne, une couronne de laurier d'or a été placée par la jeunesse des Ecoles ; au milieu, sur un fond vert, on lit cette phrase, sublime testament militaire du vainqueur de Turckheim : « Il ne faut pas qu'il y ait un homme de guerre en repos en...