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Journal des débats politiques et littéraires, 17 août 1830

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Journal des débats politiques et littéraires
17 août 1830


Extrait du journal

PAIUS, 16 t o t. La Proclamation du Roi, que nous avons publiée hier, est un acte important : c'est en quelque sorte la prise de possession du gouverne ment. En effet, depuis quinze jours, la société s'est gouvernée toute seule : il n'y avait point de magistrats ni d'ad ministrations ; les préfets et les sous-préfets étaient sur les grandes routes , courant après leurs préfectures perdues. Ajoutez à cela l'absence de gendarmes, de troupes, de police, ,de tout ce que 1 ancien régime enfin , le régime dil y a trois semaines, regardait comme la condition indispensable d'un gouvernement; et pour tant 1 ordre n a point été troublé. Telles sont les habitudes de travail et de bonne conduite prises par le peuple à l'école de la civilisation moderne, qu une révolution s'est accomplie sans ébranler les fondemens de la société. Je ne connais rien qui con firme davantage les espérances des partisans de l'instruction po pulaire. Notre première révolution a été sanguinaire et violente, parce qu'elle s'est faite à l'aide d'une population élevée par l'ancien régime , c'est-à-dire ignorante, aveugle, sans instruction , sans idées, n ayant de guide et de maître que ses passions. La révolu tion de juillet a été humaine et modérée, parce qu'elle s'est faite a laide dune population élevée par le nouveau régime, et qui, en dépit des obstacles qu'y mettait le bigotisme , commence à s'éclairer et à s'instruire sur ses droits et sur ses devoirs. Ce spectacle d'une société qui se gouverne toute seule, qui va et qui va bien sans quepersonne s'occupe de la faire marcher, n'est pas un moins grand prodige que I insurrection elle-même , et ce qu'il a fallu de bonsensau peuple pour reprendre son travail, après le com bat n est pas moins admirable que ce qu'il lui a fallu de courage pour vaincre sans chefs, sans plan , sans armes presque, une ar mée disciplinée , commandée par un maréchal, et pourvue abon damment de poudre et de canons. Cependant il ne faut pas s'y tromper ; les choses ne peuvent pas toujours aller de la sorte : la société va chaque jour sentir de plus en plus le besoin d'être administrée. Ce qui a fait l'ordre et le repos public depuis quinze jours, c'est l'enthousiasme du combat et de la victoire. Tous les esprits et tous les sentimens étaient tournés d'une ardeur unanime vers 1 idée de la liberté reconquise. Cette union de tous les esprits dans une seule et même idée vaut mieux qu'un gouvernement, quelque bon qu'il soit; c'est un lien social cent fois plus serré, cent fois plus puissaut, et il y a plus de force et de cohésion dans cette unanimité enthousiaste de tout un peuple que dans l'appareil infini de l'administration. Mettez la même joie dans toutes les têtes, la même volonté dans toutes les âmes, et vous n'aurez besoin ni de ministres , ni de préfet de police, ni de magistrats. L idée de tout le monde, l'idée souveraine, régnera mieux que le meilleur roi, administrera mieux que le meilleur ministre , et fera la police mieux que le meilleur préfet. Malheureusement, un pareil état des esprits est an état d'ex ception qui ne dure pas long-temps. Il existe pendant les heures ardentes du combat et quelques heures encore après la victoire ; mais bientôt l'humanité , élevée à cette hauteur . redescend; les esprits se divisent ; les passions reprennent leur diversité et leur opposition. Alors il faut un gouvernement; il faut quelque chose...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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Données de classification
  • panurge
  • charles x
  • france
  • paris
  • saint germain
  • union