Extrait du journal

Tout dissentiment politique doit s'ef facer à cette heure en France devant les graves événemens qui se préparent en Europe, et les partisans décidés de la paix doivent devenir les plus fermes alliés de leurs adversaires de la veille. Tant que la question est demeurée ouverte et qu'il était raisonnablement permis d'espérer incliner les esprits et les volontés dans le sens de ses penchans et de ses idées, c'était le devoir de tout bon citoyen d'exprimer , sans réserve et sans hésitation, ses préférences et les raisons s"ry desquelles -il-' les appuyait. Ce devoir, nous l'avons rempli. Aujourd'hui que le sort et les événemens ont décidé contre la paix en faveur de la guerre, il faut mettre son soin à rendre cette épreuve la moins longue et la plus favorable à nos intérêts et à notre honneur, et à n'offrir à nos soldats et à l'ennemi que le spectacle de l'union. Il ne serait d'ail leurs pas sans péril de prendre légè rement cette guerre et de s'en dissimuler les difficultés, Nous n'avons plus devant nous un peuple d'une civilisation infé rieure, étranger aux découvertes de la science et aux progrès de l'art militaire. C'est avec un peuple représentant d'une ci vilisation qui est la nôtre, enrichi, lui aussi, de tous les biens que peuvent procurer le travail, l'intelligence et la science, qu'il nous faudra demain faire l'épreuve de nos forces. Aussi ne comprenons - nous pas qu'on aille au-devant de cette guerre avec un cœur léger. Le spectacle de deux peu ples appelés à décider par les armes la question de leur prépondérance en Europe, pour ne rien dire de plus, devrait, ce nous semble, inspirer d'autres sentimens et d'au tres émotions. On pourrait également, si l'on tient à tirer quelque honneur de la vic toire, ne pas rapetisser outre mesure la va leur et les forces de ses adversaires. Mais détournons nos regards de ce côté et por tons-les d'abord sur la vraie France, celle qui pense et qui travaille, et qui, ayant mesuré d'un œil tranquille tou tes les difficultés, est résolue à tous les sacrifices pour les surmonter, et portons les encore sur cette armée, gardienne de l'honneur national, qui marche silencieuse ment, mais avec résolution, à la frontière, et qui saura, nous n'en doutons pas, mettre du côté de ses armes la fortune et le succès....