Extrait du journal
A PROPOS... La bonne humeur C'est peut-être' la grande qualité française. On la retrouve partout, et surtout à l'heure du danger ; Gavroche est un produit de notre sol. Pendant la paix, cette qualité peut jouer des tours, parce que souvent elle empêche de pren dre les choses au sérieux, et il arrive qu'un mot d'esprit masque la gravité de la situation et paralyse la réflexion. Mais au moment d'un cataclysme, la nature gouailleuse du Français l'aide à conserver son courage, car le vrai courage ne dramatise rien, et c'est plutôt la peur et les échos de la peur qui créent la tra gédie. « On verra bien », disent les hommes en partant, et cela en serrant simplement les mains, sans discours, comme s'ils allaient à la ville voisine. Moins exalté qu'en 19-14, le moral de 1939 est magnifique et réfléchi. Admirable aussi, la tenue des évacués de la zone qui se trouve entre la ligne Maginot et la ligne Siegfried. Après trois, quatre, cinq jours et nuits de chemin de fer, après avoir tout quitté, les bestiaux, les maisons, le travail, munis seulement d'un misérable bagage, usten siles, couvertures hâtivement ramassées, sans linge, avec guère de vêtements chauds pour l'hiver qui approche, ils trouvent le moyen de débarquer du train avec bonne humeur ; ils sont harassés de fatigue, mais riants, affables, et se montrant reconnaissants des services les plus naturels que l'on cherche à leur rendre. Ces populations arrivent le plus souvent par villages entiers, avec leur maire, leur curé ; ils portent avec eux les archives de la com mune. Foncièrement religieux, ils donnent l'im pression, ces dépaysés, que leur idéal n'est pas de ce monde, qu'ils sont loin, très loin des contingences si importantes pour ceux qui veulent croire au bonheur sur la terre. Ils viennent des marches de l'Est, ils savent qu'à travers les temps ils sont toujours les premiers à souffrir de tous les bouleversements humains qui sont l'apanage des pays frontières. ' « Depuis trois ans nous étions inquiets », m'a confié l'un d'entre eux. Ainsi, pendant trois ans, ils se sont demandé, peut-être chaque semaine, s'il ne faudrait pas bientôt quitter le sol natal, tous les modestes biens lentement et péniblement amassés, et, un jour, ils ont dû faire leurs petits bagages en deux heures, après des années d'une inquiétude à laquelle seul le labeur quotidien leur avait permis de résister. Certains d'entre eux gardent cette gaîté juvénile que l'on voit chez les religieuses, chez celles qui ne se préoccupent pas des des tinées terrestres. D'autres plus graves, les vieux, conservant leurs habitudes de politesse, maintiennent une sorte de hiérarchie. Dans un jardin de notre village, on leur avait donné, à ces évacués de l'Est, un banc sur lequel, dès le lencfcmain de leur arrivée, les plus âgés s'instalrerent ; survint un jeune garçon qui, sans doute, voulait, lui aussi, se reposer. Avec une grande dignité, un des usagers du banc lui dit, d'un ton de supériorité : « Nous regret tons, mais c'est réservé. ». Ainsi la vie de so ciété reprend partout où elle conserve la moin dre racine....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - staline
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